Millénarisme

Selon cette doctrine, car il s’agit d’une doctrine qui a ses racines dans la Bible, plus précisément dans l’Apocalypse de saint Jean, Dieu viendrait un jour à la tête de l’armée des bons livrer une bataille décisive aux méchants. Cette bataille, l’Armageddon, gagnée par les bons, serait suivie de mille ans de paradis sur terre.
« Puis je vis un Ange, descendre du Ciel tenant à la main la clef de l’abîme, ainsi qu’une énorme chaîne. Il maîtrisa le Dragon, l’antique serpent et l’enchaîna pour mille années. Et je vis la Cité sainte, Jérusalem nouvelle, qui descendait du Ciel de chez Dieu ; elle s’était faite belle, comme une jeune mariée parée pour son époux. J’entendis alors une voix clamer du trône : " Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il aura sa demeure avec eux. Ils seront son peuple et lui, Dieu avec eux sera leur Dieu. Il essuiera toutes larmes de leurs yeux ; de mort, il n’y en aura plus ; de pleurs, de cris et de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé ". »
Le millénarisme, c’est l’espérance de ces mille années où le Dragon ayant été enchaîné, tous les maux, physiques et moraux, qui affligent l’humanité auront disparu, y compris la mort. Les hommes seraient alors comme des dieux, dans l’état de perfection où était Adam avant le péché originel. La nature elle-même serait rétablie dans toute sa pureté et le nouvel Adam vivrait en harmonie avec elle.
La catastrophe – série de fléaux se terminant par une bataille décisive précédant immédiatement les mille années paradisiaques – a souvent été associée à la fin du monde. Chaque fois qu’on l’a crue imminente, à la fin du premier millénaire ou à l’occasion d’une grande épidémie, on a vu resurgir le millénarisme sous une forme ou une autre. La crainte d’une fin du monde prochaine n’a cependant pas toujours été liée à des catastrophes vécues ou pressenties. La condition humaine, avec son lot normal de malheurs, semble avoir suffi à maintenir en permanence un climat tel qu’il y eut toujours des gens, parmi lesquels des personnalités de premier plan, qui crurent que la fin du monde était prochaine. En conséquence, il leur fallait à la fois participer à la victoire des bons sur les méchants et préparer par leurs travaux un paradis qui serait leur œuvre autant que celle de Dieu.

Essentiel

Vraie et fausse transcendance

On peut adresser bien des reproches à Noble – notamment celui de sous-estimer l’importance de l’opposition au millénarisme à l’intérieur de l’Église et de ne tenir aucun compte des formes supérieures de mysticisme, comme celui de saint Jean de la Croix, qui ont marqué l’histoire de l’Église. L’usage que Noble fait du mot transcendance témoigne d’une complète cécité à l’égard de toutes les formes non-millénaristes de mysticisme et d’espérance. Les mots transcendance et autre monde, généralement associés dans son livre, désignent toujours et exclusivement le paradis sur terre, les mille ans de béatitude qui suivraient la victoire des bons. Le lecteur qui ne serait pas familier avec la doctrine chrétienne pourrait en conclure que la parole fondatrice du Christ : « Mon Royaume n’est pas de ce monde », a toujours été interprétée par tous les chrétiens dans une perspective millénariste, ce qui est une grossière erreur. Comme Dante nous le rappelle dans la Divine comédie, le ciel, le paradis chrétien, est en haut, non en avant : l’éternité est d’un autre ordre, c’est la ligne verticale qui symbolise la transcendance et non la ligne horizontale.
En ignorant cet « autre ordre », comme le désignait Pascal, Noble se condamne à rester au même niveau que les millénaristes. À leur erreur triviale, qui consiste à réduire la réalité transcendante à une image qu’ils se font de l’avenir, il oppose une autre erreur triviale consistant à penser qu’un être humain assoiffé d’absolu peut se satisfaire du métro-boulot-dodo, de la platitude, de ce que Marcuse appelait l’« unidimensionalité. » Or, c’est justement parce qu’ils souffrent de ce mal que tant de nos contemporains tombent si facilement dans les pièges millénaristes, qu’ils soient tendus devant eux par les grands prêtres de la technologie, par les sectes ou par les leaders charismatiques. N’oublions pas que les témoins de Jéhovah, renouant avec la tradition juive, qui est à l’origine du millénarisme en Occident, sont en marche vers le paradis sur terre, et que les Raéliens ont déjà établi une procédure pour procurer l’éternité par le moyen du clonage.

Enjeux


«L'homme se prend pour Dieu, il a perdu le sens de la mesure.» Ces commentaires que l'on entend fréquemment dans les grands débats sur les nouvelles techniques de reproduction, le clonage et autres manipulations génétiques trahissent un espoir et une inquiétude que l'on peut faire remonter au Moyen Age. L'espoir est celui d'un paradis sur terre auquel la science et la technique donneraient accès. L'inquiétude est justifiée par ce mot de Lord Acton, dont l'histoire a confirmé la vérité: «Le meilleur moyen de faire de la terre un enfer, c'est de vouloir en faire un paradis.»
Cette pensée résume bien l'enjeu principal de tous ces débats.

Les grandes étapes de la tradition millénariste

L'auteur du livre, The Religion of Technology, 1 à partir duquel nous avons créé cette chronologie commentée, David Noble, lie le millénarisme à l’évolution de la conception du travail manuel et des arts utiles à l’intérieur de la chrétienté. Pendant les premiers siècles, bien que déjà réhabilité par rapport à la conception qu’on s’en faisait dans l’Antiquité, le travail manuel n’était pas considéré comme un moyen de salut, ce qu’il deviendra progressivement à partir du IXe siècle. La meilleure façon de résumer la thèse de Noble est de la présenter sous la forme d’une chronologie.


Premier millénaire
Pendant le premier millénaire du christianisme, le monde de la technique, ou plutôt, selon le vocabulaire de l’époque, le monde des arts mécaniques, ne fut jamais associé au salut ou à la destinée éternelle de l’homme. Saint Augustin, le penseur qui domine cette époque, se réjouit certes des « étonnantes réalisations » dont il a été témoin dans le domaine de la navigation, de l’architecture, de l’agriculture ou de la sculpture, mais il prend soin de préciser que l’essentiel est ailleurs. « En disant cela, je pense à la nature de l’esprit humain en tant que joyau de cette vie mortelle, non de la foi ni du genre de vérité qui conduit à la vie immortelle… Et souvenez-vous, l’ensemble de tous ces bienfaits n’est qu’une demi consolation qui nous est accordée dans une vie condamnée à la misère D. F. Noble, op. cit., p. 12.. »
Les deux royaumes étaient donc nettement séparés. La technique pouvait présenter de l’intérêt à l’intérieur des limites d’une condition humaine déchue, mais son prestige s’arrêtait à ces limites. Pour des raisons qui demeurent mystérieuses, on commencera à partir de l’an 800 à considérer la technique comme une voie d’accès à l’éternité.
Nous suivrons l’évolution de cette vision de la technique pendant quelques siècles.
An 830
Dans le psautier d’Utrecht, dont les enluminures furent achevées à Reims vers 830, on trouve dans l’illustration du psaume 63, une première indication d’un lien entre la technique et le salut. L’armée des bons affronte une armée de méchants beaucoup plus nombreuse. Dans chaque camp on aiguise ses épées, mais tandis que dans le camp des méchants on utilise la vieille technique de la pierre mouillée, dans le camp des bons on utilise une manivelle pour faire tourner une pierre à aiguiser. Cette illustration est la première allusion, hors de Chine, à l’usage d’une manivelle pour faire tourner une pierre à aiguiser ; elle est aussi la première allusion à une pierre rotative.
À la même époque, Charlemagne accordera un statut spécial aux Bénédictins qui étaient appelés à devenir les artisans d’une révolution industrielle, caractérisée par les moulins à vent et à eau de même que par des méthodes nouvelles en agriculture.
An 860 (circa)
Jean Scot Érigène, philosophe officiel à la cour du petit-fils de Charlemagne, Charles le Chauve, forge l’expression arts mécaniques. Il l’utilise ensuite dans un commentaire sur un ouvrage de Martianus Capella, commentaire où il accorde aux arts mécaniques un statut presque égal à celui des arts libéraux. Les arts, écrit d’autre part Jean Scot Erigène, sont les liens de l’homme avec le divin, leur pratique, un moyen de salut.
An 1125 (circa)
Dans le cadre de la révolution industrielle opérée par son ordre, le moine allemand bénédictin, Théophile, inspiré par des mobiles religieux, publie, de concert avec un artisan spécialisé dans le travail des métaux, De Diversibus Artibus: la première codification des divers métiers pouvant contribuer à l’embellissement des églises.
Dans son Didascalion, où il présente une nouvelle classification de la connaissance, Hugues de Saint-Victor pousse encore plus loin que ne l’avait fait Jean Scot Erigène, l’assimilation des arts mécaniques aux arts libéraux, et il établit lui aussi un lien entre les arts en général et le salut.
An 1175 (circa)
Le moine bénédictin Joachim de Flore donne ses lettres de noblesse au millénarisme. On a dit de ses prédictions qu’elles constituaient le système prophétique le plus influent que l’Occident ait connu avant Marx. Fervent lecteur de l’Apocalypse, Joachim eut une vision telle que, non seulement comprit-il mieux le passé de l’humanité, mais s’estima en mesure de prédire son avenir. Le paradis se trouvait au terme de cet avenir, et non plus hors du temps, dans une autre dimension. Dans sa marche vers ce paradis, l’humanité devait franchir trois stades correspondant aux trois personnes de la trinité. Le premier stade, celui de Père, il l’appela ordo conjugatorium. Il était caractérisé par la famille et l’état conjugal. Le second stade, celui du Fils, était appelé ordo monachorum. Il avait été inauguré par saint Benoît, fondateur du premier monastère. Le troisième stade, correspondant à l’Esprit, était celui des viri spirituales, une petite élite de mâles, apparentée aux Parfaits cathares, constituant la sainte avant-garde de l’humanité rachetée. Joachim croyait que l’humanité était déjà entrée dans le troisième stade et il situait la fin du monde, c’est-à-dire l’entrée dans le millénaire bienheureux, en l’an 1260. À ses yeux, le développement des arts mécaniques était un excellent moyen de préparer l’humanité aux lendemains qui chantent.
An 1250
Ce sont les Franciscains, Roger Bacon d’abord, qui au XIIIe siècle, prennent le relais des Bénédictins millénaristes pour glorifier les arts mécaniques. Il est communément admis que Roger Bacon est le premier moderne, que son langage est celui des esprits pratiques d’aujourd’hui. La vague millénariste, il ne faut pas l’oublier, l’avait aussi touché. S’il a mis tant d’ardeur à promouvoir les arts mécaniques, c’est parce qu’il croyait imminente la fin de l’ancien monde.
An 1250 à nos jours
Au début du présent siècle, Oswald Spengler voit les choses différemment. Selon lui, les grands savants occidentaux de cette époque sont l’équivalent de ce qu’avaient été les bêtes de proie dans une phase antérieure de l’évolution. Les Roger Bacon ou Albert le Grand ont fondé ce que Spengler appelle la civilisation faustienne. Ils se donnaient à eux-mêmes, pense-t-il, l’illusion de chercher Dieu et son royaume, mais leur véritable projet fut la maîtrise des forces de la nature :
« Roger Bacon ou Albert le Grand furent les premières bêtes de proie intellectuelles. Elles s’imaginaient être à la recherche de la connaissance de Dieu : et pourtant, ce qu’elles s’acharnaient à isoler, à saisir et à utiliser à leur profit, c’étaient les forces de la Nature inorganique, c’est-à-dire l’énergie intangible se manifestant dans tout ce qui arrive. Cette science faustienne, et elle seulement, constitue la dynamique, par contraste avec la Statique des Grecs et l’Alchimie des Arabes. Elle s’attache aux forces, non aux matières. La masse elle-même est considérée comme une fonction de l’énergie Oswald Spengler, L’homme et la technique, Idées Paris, NRF Gallimard, 1969, p. 143.. »

Revenons à un siècle bien antérieur, soit au XVe. Parmi les personnages célèbres qui par la suite seront hantés par le millénarisme, on remarque Christophe Colomb, Paracelse et surtout Tommaso Campanella. Ce dominicain né en Calabre, comme Joachim de Flore, a fomenté une révolte, vouée à l’échec, dans le but de hâter la fin de l’histoire pour créer ensuite la cité terrestre idéale. Devant les inquisiteurs qui l’interrogeaient, il reconnut qu’il estimait faire partie des viri spirituales formant ce troisième âge que Joachim avait prédit. Le paradis terrestre de Campanella s’appelait la Cité du Soleil. Le culte de la science et de la technologie était inscrit dans la charte de cette cité en tant que moyen de développement social et voie d’accès à la perfection morale.

Quant aux membres de la confrérie rosicrucienne, ils s’identifiaient aux viri spirituales ; ils étaient les mâles purs à qui incombait la mission de préparer l’humanité à entrer dans le millénaire paradisiaque.
C’est l’Angleterre qui était appelée à devenir à la Renaissance, sinon le paradis millénariste, du moins la terre où les plus grands pouvoirs seraient donnés aux adeptes de cette doctrine. On pourrait dire du millénarisme qu’il résulte d’une interprétation littérale, voire réductrice de l’Apocalypse. Libérés de l’autorité romaine et du magistère de l’Église catholique, les Anglais purent accéder directement au texte de la Bible et en faire une lecture personnelle. Le climat général favorisant la chose, plusieurs d’entre eux se passionnèrent pour l’Apocalypse et en firent une lecture semblable à celle de Joachim de Flore. Entre temps, cependant, les arts mécaniques avaient progressé au point de devenir des sciences et des techniques modernes.
L’antique croyance millénariste est toutefois restée ce qu’elle était à l’origine : la conviction que la fin du monde était proche et qu’il allait s’ensuivre mille années paradisiaques auxquelles il convenait de se préparer en pratiquant le culte de la science et de la technologie. Francis Bacon, le grand définisseur de la modernité, John Napier, Robert Boyle, Joseph Priestley, Michael Faraday, James Clerk Maxwell, tous ces savants furent à des degrés divers millénaristes. Un Dieu bon, expliquait Priestley, avait créé l’univers et l’orientait dans la meilleure direction possible, celle du progrès technique. Grâce à ce progrès, l’homme allait reconquérir sur la nature le pouvoir que le péché originel lui avait fait perdre.
Pour beaucoup de ces Anglais, lecteurs de l’Apocalypse, l’Amérique devait apparaître comme le lieu du paradis terrestre enfin retrouvé. Ce pays n’a d’ailleurs pas ménagé ses efforts pour éviter de les décevoir. Les professions de foi millénaristes y furent abondantes tout au long de son histoire. La plupart des savants américains que nous avons cités au début de cet ouvrage, à propos du cyborg et de la nouvelle espèce en train de naître, peuvent être rattachés au courant millénariste. Ils ont de nombreux ancêtres, au XIXe siècle surtout. En 1833, John Adolphus Etzler, un ingénieur civil, publia un livre intitulé The Paradise Within the Reach of All Men, Without Labor, by Power of Nature and Machinery. Parmi les lecteurs de ce livre, qui eut un grand retentissement, il y eut Jacob Bigelow, ce professeur de Harvard qui a introduit le mot technology dans la langue anglaise. Un millénaire, précise Noble, après qu’Érigène eut forgé l’expression mechanical arts pour désigner les arts et les métiers en général, Bigelow donna un nom générique aux arts of science. Comme Érigène aussi, Bigelow est persuadé que l’homme est appelé à rétablir la domination adamique sur la nature. C’est à la suggestion de Bigelow que les fondateurs de la première grande école d’ingénieurs du Massachusetts décidèrent d’appeler cette école Massachusetts Institute of Technology.
Le mot technology a donc, dès l’origine, une connotation millénariste. Quiconque accorde un peu d’attention au vocabulaire utilisé en français dans le domaine qui nous intéresse ici ne peut manquer d’être frappé par le fait que l’usage de plus en plus fréquent du mot technologie, en lieu et place du mot technique, introduit une certaine confusion. Littéralement, le mot technologie signifie discours sur la technique, ou science de la technique.
Le mot technique a un sens clair, proche de celui du mot méthode : il y a une technique du violon comme il y a une technique du béton. Comme le rappelle Jacques Ellul, on commet déjà l’erreur d’employer le mot technique à la place du mot machine. Pourquoi ajouter à la confusion en employant le mot technologie, encore plus général, à la place du mot technique ? Parmi les explications qu’il faut retenir, il y a l’influence de l’usage anglais selon qu’il est utilisé dans un sens étroit par les ingénieurs ou dans un sens large dans le secteur des sciences sociales. C’est à ce sens large que nous attribuons une connotation millénariste., mais cet usage lui-même ne s’explique que par la connotation millénariste. Chaque fois qu’on utilise ce mot, on annonce le paradis sur terre et on adresse une prière à l’Homme, maître et souverain de la nature.
Après avoir bien démontré les origines millénaristes de la démesure technique, de l’hubris, Noble rappelle à ceux qui auraient oublié de le noter que les millénaristes, depuis Joachim de Flore jusqu’à Von Neuman et avant eux, Jean Scot Érigène, ont tous su profiter de la largesse des princes, ont tous défendu l’ordre établi, sans se soucier outre mesure des bouleversements sociaux suscités par leurs inventions, et enfin se sont tous tenus aussi éloignés que possible des femmes.
En d’autres termes, ces hallucinés de l’après-monde, ces viri spirituales, ces esprits purs et élevés, dédaigneux de la chair et de la femme, faisaient preuve d’un sens aigu des réalités matérielles quand leur pouvoir et leur statut social étaient en cause. En vertu de quoi, conclut Noble, tout au long de l’histoire de l’Occident, on a souvent négligé l’humble bonheur quotidien des gens ordinaires, au profit d’aventures millénaristes, telle la conquête de l’atome, celle de l’espace ou celle du génome, dont personne ne s’est jamais demandé sérieusement si elles correspondaient aux besoins humains fondamentaux. Quand la question du sens et du bien-fondé de leurs travaux leur est posée, les prêtres millénaristes discréditent leurs interlocuteurs en les taxant d’irrationalisme. Comme si le millénarisme était un modèle de rationalité !
Noble rappelle à ce propos que la plupart de ceux qui, aujourd’hui, se réjouissent de l’avènement du cyborg se comportent comme les viri spirituales. S’ils chantent l’immortalité désincarnée promise au cyborg, ils n’oublient pas de prendre leur large part des fonds publics et privés consacrés à la recherche de pointe.

(1)NOBLE, David F., The religion of Technology, New York, Knopf, 1997.

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