Indifférence

"L'indifférence, c'est un état sans douleur ni plaisir, sans crainte ni désir vis-à-vis de tous ou vis-à-vis d'une ou de plusieurs choses en particulier. L'indifférence, si elle n'est pas une pose, une affectation, n'a évidemment rien à voir avec la tolérance. Dans la mesure où la tolérance, c'est l'acceptation de la différence, celui qui affiche l'indifférence n'a aucunement besoin de pratiquer la tolérance envers qui que ce soit ou quoi que ce soit. Si tant est que l'indifférence soit un trait de la vieillesse Maurois pouvait écrire: «Le vrai mal de la vieillesse n'est pas l'affaiblissement du corps c'est l'indifférence de l'âme.»"

Jean-Paul Desbiens

 

Indifférence : la mise en contexte d’un terme
par Stéphane Stapinsky


Lorsque nous entendons le mot « indifférence » et l’expression « indifférence à autrui », les images suivantes nous viennent à l’esprit. Tout d’abord, des gens qui meurent dans la solitude la plus extrême et qu’on ne retrouve que des jours, des mois, voire des années après, alors qu’ils vivent en ville, dans des appartements ou dans leur maison, entourés d’une multitude de gens. Ensuite, cette autre image, liée à nos origines : ces cultivateurs d’Europe de l’Est, de Pologne et d’Ukraine, qui font pousser, comme si de rien n’était, leurs choux et leurs patates sur des charniers, non identifiés comme tels, où furent massacrés au total plus d’un million de Juifs vers 1941, dans le cadre de ce qu’on a appelé la « Shoah par balles ». Dans un tout autre ordre d'esprit, nous pensons au sage stoïcien, qui vit « dans une disposition de libre indifférence à l’égard de toutes les choses qui ne sont pas directement associées à sa fin ultime ou à sa vie morale et vertueuse

Cette variété du champ d’application d’un même terme nous amène à nous pencher sur sa définition. Alors que nous nous apprêtons à en préciser le sens, une certaine perplexité monte en nous. En effet, comme l’écrit le philosophe Louis Dugal, « De prime abord, il semble y avoir autant de conceptions de l'indifférence que d'auteurs qui en traitent. […] Dans la bouche des uns, l'indifférence sera une apathie destructrice, une résistance au changement ou un refus d'engagement, alors que dans celle des autres elle sera la condition de l'objectivité du chercheur, de la liberté du sujet ou de l'égalité de tous devant la société ou Dieu.» (1)

Nous n’entendons pas entrer dans ce « labyrinthe » terminologique qu’évoque Dugal, où nous risquerions de nous égarer en même temps que le lecteur. Nous partirons plutôt d’une définition courante de l’indifférence (site Web du dictionnaire Larousse), qui en distingue trois acceptions principales :

1) « État, sentiment de quelqu'un qui ne se sent pas concerné, touché par quelque chose, ou qui n'accorde aucune attention, aucun intérêt à quelqu'un, à quelque chose : Regarder un spectacle avec indifférence. »
2) « État d'esprit de quelqu'un qui ne se sent pas concerné par le problème religieux. »
3) « Absence d'amour chez quelqu'un qui ne répond pas au sentiment qu'il inspire. »

Nous écarterons d’emblée du champ de notre réflexion le troisième aspect. Le second ne nous préoccupera pas non plus de manière fondamentale, quoiqu’il soit intéressant de noter sa réapparition dans l’actualité depuis quelques années. En fait foi ce passage qui évoque un rapport du Conseil pontifical de la Culture de mars 2004 : « Il est inexact que l’athéisme soit en croissance. De l’athéisme militant et organisé du passé […] on est passé à une situation d’indifférence de fait, de perte d’intérêt pour ce qui touche Dieu, et d’abandon de la pratique religieuse, en occident principalement. Mais ceci ne signifie pas la perte de la foi en Dieu. » (2)

C’est véritablement le premier aspect qui nous intéressera, et plus précisément, dans la foulée de l’utilisation que fait du terme le pape François, l’indifférence envers autrui, le fait de ne pas être concerné, touché par quelqu’un, de ne lui accorder aucune attention, aucun intérêt. En somme, « … la neutralité affective. Là où d'autres personnes réagissent, je reste froid; je ne suis ni touché, ni ému. Ou mieux, je n'éprouve aucune émotion, ni positive, ni négative. Pas plus de répulsion que d'attrait. Je ne me sens pas concerné, je suis ailleurs. » (3)

Le mot indifférence fait partie d’une constellation de concepts, au sein de laquelle il nous faudra le distinguer. Mentionnons d’abord les mots de même racine : différence, non-différence et indifférenciation. Certains auteurs emploient par ailleurs de manière presque interchangeable les mots indifférence et insensibilité. Le pape François utilise pour sa part, comme synonyme d’indifférence, les expressions « dureté de cœur » ou « anesthésie du cœur ». Nous verrons que des nuances s’imposent ici. Évoquant l’aspect sociologique du phénomène et les catégories de personnes visées par l’indifférence, d’autres commentateurs vont parler d’invisibilité sociale. Nous préciserons brièvement ce qu’il en est.

La prise en compte d’un versant plus négatif de la question nous amènera à distinguer l’indifférence du mépris et même de certaines formes de haine. Il nous faudra également la situer par rapport au vaste thème philosophique et sociologique de la reconnaissance, l’indifférence ayant pour conséquence la non-reconnaissance assez radicale de certaines personnes ou catégories de personnes, nous oserions même écrire leur « néantisation » en tant qu’être humain.

Comme nous l’avons vu plus haut, certains auteurs ont une vision positive de l’indifférence. Le défi sera alors de distinguer entre une « bonne » et une « mauvaise » indifférence. Nous dirons pour finir un mot de cette question.


***

Examinons brièvement comment l’indifférence se situe face aux mots qui lui sont apparentés étymologiquement : différence\non-indifférence et indifférenciation. Dans son mémoire de maîtrise, Louis Dugal, qui réfléchit à partir de l’œuvre d’Emmanuel Levinas, voit l’indifférence comme « ‘non-différence’ – adiaphorie, indétermination, égalité ». Pour lui, indifférence et différence sont intimement liées : « (...) l'indifférence est l'insensibilité à la différence. L'indifférence devient ainsi, à la croisée des thèmes de la sensibilité et de la différence, quelque chose de précis. L'indifférence est une insensibilité très étroitement orientée vers la différence, ainsi qu'une différence oubliée par une sensibilité oblitérée. Elle apparaît donc comme une sensibilité qui se nie dans la négation qu'elle oppose à la différence en même temps qu'une différence qui se perd dans la perte de sa sensibilité. » (4)

« Vivre, nous rappelle Dugal, c'est d'abord ne pas être indifférent - c'est se différencier de l'indifférence par la sensibilité, désintégrer la totalité indifférente en vivant une différence qui refuse de s'y intégrer. La vie de l'être humain se consomme : elle brûle de sa différence - tout comme elle s'éteint dans l'indifférence. Sa lutte ne consiste pas à s'abandonner dans l'indifférence de l'être, mais à y résister. Son existence s'affirme elle-même à travers la négation de l'indifférence – elle confirme par sa sensibilité et sa différence qu'il y a quelqu'un au-delà de l'être qui ne peut être réduit à un quelque chose - une subjectivité qui résiste à l'objectivité de l'être - en d'autres mots, qu'il y a dans la vie autre chose que l'être. » (5)

Dugal cite l’auteur Pierre Colin, qui précise : « Il faut sinon une passion, du moins un intérêt, pour que les choses ou les êtres se détachent les uns des autres, prennent du relief, pour qu'émergent des différences de valeur. Dans la mesure où mon intérêt s'affaiblit, les oppositions s'estompent. Tout s'égalise dans la grisaille, et dans la monotonie de la pure répétition : plus ça change et plus c'est toujours pareil» (6). Comme on le voit, l’indifférence rejoint ici l’indifférenciation. Mais notre intention n’est pas de faire ici une dissertation philosophique. Aussi, laisserons-nous pour l’instant ces passages qui présentent de plus, il faut bien le reconnaître, certaines obscurités.

Un prélat catholique, Mgr Dal Toso, commentant la position du pape François, précise que l’indifférence vient d’une « non-considération de la différence », que ce soit « au niveau des relations interpersonnelles, au niveau culturel », ou au niveau « métaphysique » (7). Ces propos nous paraissent éclairer de manière judicieuse la relation entre indifférence et différence. Qu’illustre fort bien le film « Remains of the day » (« Vestiges du jour »), de James Ivory, qui a pour décor le domaine d’un noble anglais (lord Darlington), et dans lequel on est témoin de l’existence des majordomes et des servantes, qui vivent dans leur petit univers, parallèle à celui des maîtres. Ces « … êtres […] se devaient d'être invisibles mais corvéables à merci, de n'avoir aucune vie privée, pas d'autre famille que celle de leurs patrons » et ils furent « […] relégués […] aussi loin que possible du regard des bonnes gens. » (8) S’ils sont appréciés par leurs maîtres (dans le film du moins), ceux-ci n’ont cependant qu’une bien vague idée de leur existence concrète, de leur « différence ».

Toujours à propos de  l’indifférenciation, ne peut-on penser qu'elle peut également conduire à l’indifférence, dans la mesure où elle tend à réduire à des schémas indistincts les situations humaines les plus complexes? Si tout est du pareil au même, on ne distingue alors plus rien. Comment alors être attentif à ce que vit, en particulier, chaque personne ? Comment être attentif à sa différence ?

On rapproche fréquemment les mots indifférence et insensibilité, au point d’en faire bien souvent des synonymes. Dans ses diverses interventions, le pape François considère de manière équivalente l’indifférence et la dureté ou l’anesthésie du cœur. À mon sens, toutefois, ce ne sont pas là d’exacts synonymes. J’estime que dans l’indifférence existe une part de volonté. Jean-Jacques Wunenberger écrit fort justement : « En fait l'indifférence n'est pas tellement le signe de quelque mollesse, mais trahit déjà, face au devoir que chacun ressent en soi, une résistance, un refus du bien. Par-là, l'indifférence représente, pour Kant, la première forme de la malignité en l'homme, car, pour ne pas consentir au bien, il faut bien faire preuve d'une force contraire mauvaise… » (9)

Une personne est confrontée à une situation donnée, par exemple à la vie d’une autre personne en souffrance, et elle choisit de détourner le regard, de fermer son cœur à celle-ci. Pour diverses raisons : par égoïsme ou individualisme, ou pour ne pas être blessé (parfois pour des motifs valables : « … il arrive que la sensibilité la plus vive se cache sous les dehors de l'indifférence » (Lavelle)). Je suis enclin à penser que, lorsque l’indifférence est devenue involontaire, inconsciente, c’est-à-dire une seconde nature en quelque sorte, on peut alors parler d’insensibilité. Dans le premier cas, la personne qui voit un itinérant et qui détourne le regard, sait très bien qu’il y a un être humain en face d’elle, elle sent qu’elle n’agit pas correctement et elle en éprouve un malaise; dans le second cas, la personne ne voit plus, pour ainsi dire, l’itinérant; elle ne le voit plus comme un être humain, il pourrait presque être pour elle l’équivalent d’une borne fontaine, un simple élément du décor qu’on ne remarque plus.

Évoquant les catégories de personnes visées par l’indifférence, certains auteurs parleront d’invisibilité sociale. Cela est bien sûr exact. Rappelons-nous certaines histoires de l’ancien régime en France. « Au XVIIIe siècle, nous apprennent les historiens, une duchesse pouvait se baigner nue devant un valet, cela n'avait aucune importance, un domestique à ses yeux était purement utilitaire, il n'était pas sexué. » (10) En raison de son rang social inférieur, il devenait en quelque sorte invisible…

Pour le sociologue Guillaume Le Blanc, qui s’est penché sur une de ces catégories de victimes de l’indifférence (les « vies précaires »), « l’existence précaire est celle des sans-voix. ‘’Homme sans qualités’’, le précaire est dépourvu de visibilité et de la possibilité de faire entendre sa voix dans l’espace public. » (11)  Pour ma part, plutôt que de simplement parler d’invisibilité, je dirais que la personne qui est confrontée à l’indifférence d’autrui, devient en quelque sorte « transparente ». On sait qu’elle existe, on la voit, mais ce qu’elle à dire, à apporter, n’a aucune incidence sur la personne avec qui elle interagit ni sur le milieu dans lequel elle vit. Dans une scène du film L’Accompagnatrice, de Claude Miller (oeuvre qui illustre de façon magistrale le thème de l'indifférence et les sentiments complexes, contradictoires qu'il suscite), Sophie, la jeune pianiste au service d’Irène…, cantatrice célèbre à qui tout réussit, discute avec un homme, lors d’une réception. Par politesse, il lui pose des questions à son sujet et, voyant passer une de ses connaissances derrière elle, à celle-ci la parole sans même attendre la réponse de la jeune fille. Tout à coup, pour lui, Sophie est devenue transparente, invisible…

Nous vivons à une époque où l’exigence de reconnaissance est, on le sait, omniprésente, où l’on parle sans cesse de droits, d’identités à mettre de l’avant, etc. Cette invisibilité dont je viens de parler a bien sûr pour corollaire la non-reconnaissance de l’existence de ces personnes. J’employais même, plus haut, le terme de « néantisation ». Les conséquences de cette non-reconnaissance peuvent être dévastatrices et tout un champ de la sociologie nous en livre la description : « À force de ne pas se sentir reconnu, l’individu plonge dans la détresse et la dépression. Blessure sociale, honte, indignation, dépossession de soi, humiliation, ennui, insatisfaction sont autant de vécus générés par des situations qui privent les individus d’une voix pour exister aux yeux des autres. » (12)

Doit-on lier de manière indissoluble l’indifférence à certains sentiments négatifs comme le mépris ou certaines formes de haine? L’indifférence implique-t-elle nécessairement le mépris, et vice-versa? En fait, la notion de mépris « n’indiquerait-elle pas a priori plus d'implication de la part d'autrui? Le mépris suppose des actes ; l'indifférence, c'est plutôt passer à côté sans voir, c'est un signe d'inexistence, ou plutôt d'invisibilité sociale. » (13)

En un sens, le mépris implique néanmoins une certaine indifférence à l’égard d’autrui – à l’égard des conditions réelles de son existence. Celui qui, par exemple, méprise les pauvres ou les handicapés, donc les balaie du revers de la main, n’est pas enclin, on le devine, à s’enquérir des difficultés bien concrètes de leur vie. Mais l’on peut également être indifférent à l’égard de quelqu’un qu’on ne méprise pas, pour lequel on n’éprouve pas de haine ni d’hostilité. On peut être neutre ou même bien disposé à l’égard d’une personne et être en même temps indifférent à certains aspects de sa vie, fermé à sa douleur concrète. Bien des gens autour de nous demeurent transparents, sinon invisibles. Pensons à certains de nos voisins, si nous habitons en ville. Nous n’éprouvons pas nécessairement de sentiment négatif à leur endroit pas mais nous ignorons bien souvent qui ils sont, nous en savons bien peu sur la réalité de leur existence. Ils peuvent nous rendre des services à l’occasion mais nous ne nous questionnons à leur sujet guère plus de temps que ne dure leur présence devant nous. Et puis, un beau jour, nous apprenons qu’ils ont décidé de s’enlever la vie...

Une vision positive de l’indifférence

Certains auteurs, principalement des philosophes, sont enclin à voir d’une manière positive l’indifférence – ce qui n’exclut pas, bien sûr, qu’ils puissent également mettre en évidence certains aspects négatifs de celle-ci. « L'indifférence peut être vue de manière positive. Ainsi, par exemple, on peut parler d'indifférence aux tentations - celle du pouvoir, de la luxure, de l'orgueil... L'indifférence prend alors l'aspect d'une force, d'une indépendance, d'une liberté. » (14)  Pour Dugal, « L'indifférence est essentielle à la condition humaine : elle fait partie de la condition du sujet, mais elle est aussi ce par quoi le sujet peut être conditionné par autrui. Dans l'indifférence du sujet survit la possibilité de la différence - dans son identité peut surgir l'altérité - dans son chez-soi peut survenir autrui. » (15)

Wunenburger procède à un nettoyage utile de la notion d’indifférence en montrant les pièges qu’elle recèle. « Pourquoi en effet condamner toutes formes d'indifférences en lui préférant l'exhibition pathétique ou solennelle du souci de l'autre ? Car si l'indifférence est souvent signe d'une passivité, d'une faiblesse, d'une lâcheté, elle peut aussi, dans certains cas, être revendiquée comme une obligation motivée par une fin bonne. » (16)

Pour Louis Lavelle, « Il ne faut point médire de l'indifférence, qui est souvent l'œuvre difficile du vouloir, qui est le remède de tant de maux, de tant de dissensions et de souffrances, qui introduit entre les personnes la paix qui règne dans le monde des choses, qui abolit tous les obstacles et tous les souvenirs et permet à des sentiments plus purs de naître et de croître comme s'il ne s'était rien passé. » (17)

Wunenburger distingue une « bonne » et une « mauvaise » indifférence. Comment faire la différence entre les deux, s’il « (…) n'existe plus alors de règles toutes faites pour décider de la « bonne » indifférence »? « C'est la tâche de l'invention et de l'improvisation morales », précise le philosophe. C’est alors que le jugement doit revendiquer la place qui lui est due.

Notes

(1) Louis Dugal, Éthique et indifférence. Questions pour Levinas. Mémoire de maîtrise en philosophie. Faculté de philosophie, Université Laval, Québec, 2009, p. 2.

(2) http://www.zenit.org/fr/articles/moins-d-atheisme-militant-dans-le-monde-mais-une-plus-grande-indifference

(3) Pierre Colin, «Qu'est-ce que l'indifférence?», cité à partir de Julien Potel & al., Indifférence, incroyance et foi, Paris, Cahiers Recherches-Débats, Collection Confrontations, 1986, p.l15-116; mentionné par par Dugal, op. cit., p. 3.

(4) Dugal, ibid., p. 3 et 4.

(5) Ibid., p. 20.

(6) Cf. référence de la note 3.

(7) http://www.zenit.org/fr/articles/careme-la-vie-chretienne-en-communaute-pour-depasser-l-indifference

(8) http://cafedegaelle.blogspot.ca/2006_07_01_archive.html

(9) Jean-Jacques Wunenburger, L'indifférence, faiblesse et force, Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique, n°41, 1994. p. 20.

(10) http://cafedegaelle.blogspot.ca/2006_07_01_archive.html

(11)  http://www.revuenouvelle.be/le-blanc-vies-ordinaires-vies-precaires

(12) Indifférence. Une campagne d’information et de sensibilisation de l’Autre « lieu » -- http://www.autrelieu.be/Documents/Biblio/Ecrits/INDIFFERENCE_contenu.pdf

(13) Ibid.

(14)  Alain Houziaux & al., Être indifférent : une fuite?, Paris, Éditions ouvrières, 2006, p. 13-14; cité par Dugal, op. cit.

(15) Dugal, op. cit., p. 39.

(16) Wunenburger, op. cit., p. 24.

(17) Louis Lavelle, Conduites à l'égard d'autrui, Paris, Les Éditions Albin Michel, 1957. Cité d'après la version mise en ligne sur le site Les Classiques des sciences sociales. -- http://classiques.uqac.ca/classiques/lavelle_louis/conduite_egard_autrui/conduite.html

(18) Wunenburger, op. cit., p. 25

Essentiel

«Être détaché de tout, première condition pour n'être indifférent à rien.» (Gustave Thibon)

Enjeux

L'indifférence n'est-elle pas devenue un mal plus répandu et plus inquiétant que la colère?

Le mot colère a la même étymologie que le mot coeur. On se met en colère contre un proche quand on prend trop à coeur ce qu’il dit ou ce qu’il fait. En ce sens, la colère, comme l’orage, nettoie le paysage affectif ! Dans les pays méridionaux, ces mouvements du coeur sont le sel de la vie quotidienne et même de l’amour. Dans les pays nordiques d’aujourd’hui, - et par contagion, de plus en plus peut-être dans les pays méridionaux -, la colère est de tous les péchés capitaux celui qui, avec la paresse, a la plus mauvaise réputation; sans doute parce qu’on l’associe à la violence, qu’on craint à juste titre.

On préfère l’indifférence, c’est-à-dire une série de colères rentrées qui aboutissent à ce que, un bon matin, sans avertissement, on déclare froidement à la femme (ou à l’homme) dont on partage le lit depuis quinze ans: je te quitte, parce que je n’éprouve plus rien pour toi. L’indifférence est la rançon de la distraction. À force de s’intéresser vaguement à tout pour échapper au vide, on ne s’intéresse plus à rien, ni à personne, on ne prend plus rien à coeur. Les départs ne sont plus des morts, les retours ne sont plus des résurrections. Tout est acquis, tout s’équivaut, la mort, celle de l’autre, n’existe plus.

Jacques Dufresne, Après l'homme... le cyborg?

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