Discipline-spécialité

«La discipline est une catégorie organisationnelle au sein de la connaissance scientifique ; elle y institue la division et la spécialisation du travail et elle répond à la diversité des domaines que recouvrent les sciences. Bien qu'englobée dans un ensemble scientifique plus vaste, une discipline tend naturellement à l'autonomie, par la délimitation de ses frontières, le langage qu'elle se constitue, les techniques qu'elle est amenée à élaborer ou à utiliser, et éventuellement par les théories qui lui sont propres. L'organisation disciplinaire s'est instituée au 19ème siècle, notamment avec la formation des universités modernes, puis s'est développée au 20ème siècle avec l'essor de la recherche scientifique ; c'est-à-dire que les disciplines ont une histoire : naissance, institutionnalisation, évolution, dépérissement etc. ; cette histoire s'inscrit dans celle de l'université, qui, elle-même, s'inscrit dans l'histoire de la société ; de ce fait les disciplines relèvent de la sociologie des sciences et de la sociologie de la connaissance et d'une réflexion interne sur elle même, mais aussi d'une connaissance externe. Il ne suffit donc pas d'être à l'intérieur d'une discipline pour connaître tous les problèmes afférents à celle-ci.»

Source et suite: Edgar Morin, Sur l'interdisciplinarité, Bulletin Interactif du Centre International de Recherches et Études transdisciplinaires, n° 2, juin 1994

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Enjeux

«L'institution disciplinaire entraîne à la fois un risque d'hyperspécialisation du chercheur et un risque de "chosification" de l'objet étudié dont on risque d'oublier qu'il est extrait ou construit. L'objet de la discipline sera alors perçu comme une chose en soi ; les liaisons et solidarité de cet objet avec d'autres objet, traités par d'autres disciplines, seront négligées ainsi que les liaisons et solidarités avec l'univers dont l'objet fait partie. La frontière disciplinaire, son langage et ses concepts propres vont isoler la discipline par rapport aux autres et par rapport aux problèmes qui chevauchent les disciplines. L'esprit hyperdisciplinaire va devenir un esprit de propriétaire qui interdit toute incursion étrangère dans sa parcelle de savoir. On sait qu'à l'origine le mot discipline désignait un petit fouet qui servait à s'auto-flageller, permettant donc l'autocritique ; dans son sens dégradé, la discipline devient un moyen de flageller celui qui s'aventure dans le domaine des idées que le spécialiste considère comme sa propriété.»

Source et suite: Edgar Morin, Sur l'interdisciplinarité, Bulletin Interactif du Centre International de Recherches et Études transdisciplinaires, n° 2, juin 1994

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