Le recours à l'enfance

André Laurendeau

Jules Romains parle, dans Verdun je crois, d'un intellectuel devenu soldat et qui affronte courageusement la guerre des tranchées. Tout le long du jour il subit, comme ses camarades, le pilonnement des canons ennemis. Il participe aux attaques.

Le soir il faut dormir. C'est ce qui est difficile. Le bruit, l'énorme tapage de l'artillerie? On s'y fait paraît-il. Mais pour parvenir à quitter le champ de la conscience il faut trouver au moins quelques secondes de sécurité.

La sécurité est une denrée rare sur les champs de bataille... Alors il faut au moins s'en inventer l'apparence. Quand il se couche, le soldat de Romains s'en découvre une. Il a besoin d'objets où accrocher son regard, même s'il sait qu'une bombe les ferait sauter. Mais ils ont l'air solides. Alors il faut fermer les yeux.

Cela ne suffit pas. Il faut modifier le sens du tapage que la mitraille fait autour de lui. Il faut s'imaginer partir ailleurs. Le soldat se raconte des histoires.

Il est un homme, un guerrier malgré lui, peut-être qu'il ne se réveillera pas demain. Ne possédant aucune foi religieuse, il n'a pas de recours au delà des choses humaines. Alors il rêve avant de dormir.

J'oublie quelle histoire il se dit chaque soir, comme un feuilleton. Cela le reporte je pense au moyen âge, très loin de Verdun, des tranchées et des gaz. Mais que fait-il sinon de se bercer lui-même? Et que fait-il sinon de remonter à l'âge où une autre l'endormait avec des contes?

Qui est-ce qui a jamais échappé à son enfance? Qui est-ce qui a tout à fait cessé de croire aux mauvais génies et aux fées? Napoléon appelait la chance son étoile. La science, en faisant reculer les mystères, ouvre de nouvelles possibilités au songe, nos enfants se promènent d'astre en astre, le merveilleux pullule, simplement les fées ont la pudeur de s'habiller autrement.

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