Le rapport Meadows: Halte à la croissance

Yves Mongeau

Voici un passage de l'article que l'on peut aussi lire en version intégrale, avec les tableaux, en format PDF

Les données du problème

 Le document débute par l'explication du caractère exponentiel qui marque la croissance d'une grande partie des activités humaines. Familier avec les problèmes reliés à la progression arithmétique, le public ne peut que sursauter lorsqu'il est confronté aux conséquences d'une progression géométrique. Contrairement à la croissance linéaire, celle qui suit une courbe d'évolution exponentielle comporte des effets cumulatifs et implique la possibilité de soudaines et prodigieuses embardées en avant. Or, les cinq paramètres qui ont été retenus comme étant les plus fondamentaux (population, industrialisation, production alimentaire, utilisation des ressources naturelles et pollution) sont précisément de ceux qui évoluent selon une progression géométrique.

Si l'on utilise l'année 1650 comme point de départ, on constate que la population mondiale est passée de 500 millions à 1 milliard d'habitants en 170 ans. Puis, de 1 à 2 milliards en 105 ans. S i , comme on le prévoit, la population atteint 4 milliards en 1980, il ne lui aura fallu alors que 55 ans pour passer de 2 à 4 milliards. Enfin, on estime que le chiffre de 8 milliards sera atteint dès l'an 2010, c'est-à-dire 30 ans plus tard. En somme, l'explosion démographique fait se raccourcir sans cesse le temps de doublement de la population mondiale: alors qu'il a fallu 170 ans pour doubler la population de l'an 1650, il n'en faudra plus que 30 pour multiplier par deux celle de 1980.

La production industrielle
connaît une évolution encore plus rapide que la population. Prenant comme base l'indice 100 en 1963, les auteurs du rapport montrent qu'on passe de 30, au cours de la décennie 1930-1940, à 50 en 1950, 86 à 70 en 1958 et à 140 en 1968. Durant les 5 années qui vont de 1963 à 1968, le taux de croissance moyen s'est élevé à 7% et il n'a fallu que 10 ans pour doubler le «capital industriel» de 1958 (celui-ci se compose des biens d'équipements, usines, véhicules, machines, outillages, etc.). De plus, cette augmentation de la production industrielle n'est pas répartie équitablement entre les divers pays. Comme ce sont les régions hautement industrialisées qui accaparent la majeure partie de cette croissance, le fossé qui sépare les pays riches des pays pauvres s'élargit inexorablement.

Quant à la production alimentaire, bien qu'elle soit elle aussi en pleine croissance, elle ne suffit même pas à satisfaire les besoins actuels de l'ensemble de la population mondiale: le tiers du globe souffre de malnutrition. Possédons-nous des superficies de terres arables suffisantes pour corriger cette situation et nourrir, dans l'avenir, une population croissante? Compte tenu de l'urbanisation accélérée et en admettant que l'on utilise la totalité des terres arables théoriquement disponibles, nous manquerons de terre cultivable avant même l'an 2000, si l'on maintient le taux actuel d'accroissement démographique. L'équipe du M.I.T. pose alors l'hypothèse d'une urbanisation qui ne sacrifierait aucune parcelle des terres cultivables: cellesci s'avéreraient insuffisantes autour de l'an 2010, c'est-àdire 10 ans plus tard que dans la première hypothèse. Mais on peut aussi supposer que le rendement des terres, grâce aux progrès technologiques, sera quadruplé; même alors, la crise n'est ajournée que d'environ 60 ans.

Le cas des ressources naturelles non renouvelables est encore plus saisissant. Tenant compte des réserves globales connues présentement, les auteurs étudient le cas de dix-neuf sortes de métaux et combustibles nécessaires à l'industrie moderne. Même avec un indice de consommation statique (maintien au taux actuel de la consommation annuelle), les réserves de cuivre seront épuisées dans 36 ans, celles du plomb dans 26 ans, de l'étain dans 17 ans, du mercure dans 13 ans. Mais on peut supposer un taux d'augmentation annuelle de la consommation. Dans ce cas, les calculs indiquent que presque tous les minéraux importants seront épuisés en moins de 100 ans.

Tout comme dans le cas des quatre facteurs précédents, la pollution connaît elle aussi une croissance exponentielle. Bien que les données d'ensemble manquent, les quelques 87 types de pollution dont on est parvenu à quantifier les effets semblent tous caractérisés par un rythme de progression plus rapide que celui de la population mondiale. Le phénomène est surtout observable chez les polluants issus de l'utilisation croissante de l'énergie. Mais il est particulièrement inquiétant de constater qu'on ignore quels maxima absolus pourraient être assignés aux courbes exponentielles représentatives des divers types de pollution. On connaît les limites d'utilisation des terres arables et des ressources naturelles, mais on ignore encore jusqu'à quel point la pollution peut perturber les processus vitaux et, d'une manière générale, l'équilibre écologique de la terre.

Les futurs possibles de l'humanité


Après avoir ainsi évalué les forces en présence, l'équipe du M.I.T. les soumet à l'ordinateur afin de suivre leur interaction les unes sur les autres. L'hypothèse de départ est celle d'un statu quo des tendances actuelles. La période envisagée couvre deux siècles, de 1900 à 2100. Le diagramme que fournit l'ordinateur est appelé «passage standard » (voir Figure 1). Il indique que le système va vers une surchauffe suivie d'un effondrement. La catastrophe paraît toute proche: si aucun changement n'intervient dans notre système actuel, l'expansion démographique et l'expansion économique s'arrêteront au plus tard au cours du siècle prochain, par suite d'une pénurie de matières premières.

Dans un second passage en ordinateur, l'hypothèse de départ est modifiée: on suppose que la technique parvient à tirer parti de l'énergie nucléaire en doublant les réserves de ressources d'une part et en recyclant la majeure partie (75%) de la production industrielle d'autre part. Dans cette hypothèse, il n'existe aucun risque de pénurie de matières premières qu'on considère alors comme «illimitées ». Mais le résultat final demeure inchangé: l'industrialisation et la production agricole font un bond en avant, ce qui provoque une pollution catastrophique. La courbe de la population s'effondre alors avec une rapidité encore plus grande que dans le passage standard.

À lire également du même auteur

Libérer la démocratie
Des différentes interprétations de la raison et de l'entendement. Article écrit en collaboration

Les priorités dans le domaine de la santé
Ce texte écrit en 1976 est toujours d'actualité en 1999. Les questions qu'il soulève demeurent. E

Enquête sur les associations pan-canadiennes
Le bilinguisme, ciment de la fragile unité canadienne, est-il possible dans les associations et les




Articles récents