La Flûte enchantée à Milan ?

Stendhal

C'est avec un vif plaisir que le public de Milan a revu don Juan. 

(...)

Je me suis appesanti sur quelques petites inconvenances parce que, à cela près, le spectacle est superbe. L’ensemble est tel que plusieurs étrangers, faits pour s’y connaître, ont assuré que jamais sur aucun théâtre don Juan n’avait été mis avec plus de magnificence et n’avait produit autant d’effet. La satisfaction du public augmente à chaque soirée. Peut-être la remise de don Juan moins d’un an après qu’on l’avait vu pour la première fois, — chose inouïe ! — sera-t-elle l’époque d’une révolution fort à désirer.

Le public consentira qu’on lui fasse revoir les chefs-d’œuvre des Buranello, des Mozart, des Cimarosa, des Paisiello, joués à l’étranger ou, il y a trente ou quarante ans, lorsque la plupart des spectateurs actuels n’étaient pas nés. Les Nemici generosi de Cimarosa par exemple valent un peu mieux que les Usi della Cita et sont tout aussi nouveaux. Le peu de succès de la Secchia rapita ne prouve rien. La musique était un centon maladroit et les chanteurs avaient à lutter contre de trop grands souvenirs.

On nous fait espérer la Flûte enchantée. Je ne sais si elle réussira. C’est une musique faite pour un petit théâtre et toute pleine d’effets de miniature. Ce dont je suis sûr c’est que ce chef-d’œuvre plaira beaucoup plus au bout de quinze jours que la première soirée. Cette musique est pleine de détails délicieux qu’il faut saisir.

Quelle que soit la réussite de la Flûte enchantée je suis sûr que la Clémence de Titus ou Idoménée enlèveraient tous les cœurs. Nous pouvons tout attendre d’une administration active et pleine de goût. Espérons qu’après les chefs-d’œuvre de Mozart elle osera nous faire jouir de ceux des Cimarosa et des Sachini.

À lire également du même auteur

Vie du Poussin
CHAPITRE LXIIVie du PoussinNicolas Poussin, qui naquit aux Andelys, en Normandie, en 1594, descendait d'une famille noble de Picardie: mais son père, qui avait été soldat d'Henri IV lorsque ce prince était roi de Navarre, était apparemment fort peu riche 1.Il paraît cependant qu'on

Toulouse en 1838
Toulouse, 28 mars 1838 (1)Arrivé à midi à l’hôtel Casset. Colonnes, moulures en briques de la façade. Ville pavée en petits cailloux gris noir de la forme d’un rognon à la brochette; marche insupportable comme à Lyon.Toulouse est presque aussi laide que Bourges, s

Sur Venise
15 février 1818Lors de la venue d’Attila, des fugitifs de Padoue allèrent former Venise. Aujourd’hui Venise, ville artificielle, n’étant plus soutenue par rien, les familles vénitiennes accourent en foule à Padoue.En 1790, Venise la superbe avait 180 000 habitants, V

Mémoires d'un touriste
Nantes, le 25 juin 1837. ---Rien de plus désagréable en France que le moment où le bateau à vapeur arrive: chacun veut saisir sa malle ou ses paquets, et renverse sans miséricorde la montagne d'effets de tous genres élevée sur le pont. Tout le monde a de l'humeur, et tout le mon

Lord Byron en Italie
I. Souvenirs sur lord ByronJe puis parler, car tous les amis que je vais nommer sont morts ou dans les fers. Mes paroles ne pourront nuire aux prisonniers, et, dans le fait, rien de ce qui est vrai ne peut nuire à ces âmes nobles et courageuses.Je ne crains pas non plus les reproches de mes am

Le Titien
Ce peintre vit la nature mieux qu'aucun autre et il la peignit plus ressemblante. Il avait un esprit solide, tranquille, plein de sagacité, porté à chercher la vérité plutôt que le neuf et le spécieux. C'est par ces qualités qu'il est arrivé à être regardé génÃ

Le Caravage
Michel-Ange Amerighi ou Merigi de Caravage est mémorable dans cette époque en ce qu'il rappela la peinture de la manière à la vérité, soit dans les formes qu'il copiait toujours d'après nature, soit dans la couleur dont il bannit presque les cinabres et les azurs et qu'il compos




L'Agora - Textes récents