Le mythe manichéen

Louis Painchaud

Comme dans le cas du gnosticisme, les idées centrales de la religion manichéenne sont exposées dans le cadre d'un mythe, d'un récit sur les origines du monde.

Ce passage est tiré d'un article de Claudio Gianotto, intitulé : Pouvoir et salut: quelques aspects de la «théologie politique» des gnostiques et des manichéens., p. 339 à 355, faisant partie de l'ouvrage collectif présenté ailleurs dans ce document.

À bien y regarder, on se rend compte que l'attitude des manichéens face aux autorités et aux institutions politiques n'a pas été déterminée par le hasard ou par des considérations d'opportunité, mais par des raisons bien plus profondes, qui puisent leurs racines dans le cœur même du mythe manichéen. Le manichéisme est une forme de la gnose de l'Antiquité tardive, qui donc en partage les deux traits essentiels: le dualisme et l'anticosmisme. Mais le refus du monde se manifeste dans le manichéisme d'une façon assez différente que dans les mouvements et les écoles gnostiques qui l'ont précédé. Tout d'abord, le Mal est antérieur à la création du monde, et donc son origine ne peut pas être identifier à celle du monde même, comme dans le gnosticisme; et cette circonstance absout, au moins en partie, le monde. Deuxièmement, s'il est vrai que la matière est ontologiquement mauvaise, parce qu’elle représente les forces obscures de la Ténèbre, il est aussi vrai que la création et surtout l’organisation de monde matériel, qui suit l’attaque initiale des forces de la Ténèbre et la défaite provisoire des forces lumineuses, n’est pas l’œuvre du Mal ou de ses hypostatisations mythiques, mais du Père de la Grandeur et des puissances bonnes, évoquées par lui-même. En effet, puisqu’il n’était pas possible de frapper les forces du Mal par leurs propres moyens 18, le Dieu de la Lumière a eu recours à la ruse pour mener à la défaite ses adversaires: il a infiltré, comme une sorte de cinquième colonne, des éléments lumineux au cœur même du monde de la Ténèbre. Voilà comme Alexandre de Lycopolis décrit cette stratégie:

Il (scil. Dieu) dépêcha donc une puissance – celle que, nous autres, nous nommons âme – à la rencontre de la matière, dans le but de réaliser avec elle un mélange total. Et ce sera la mort de la matière, quand surviendra par la suite sa séparation d’avec cette puissance. C’est ainsi qu’en vertu de la providence divine se trouva réalisé le mélange de l’âme et de la matière, mélange du dissemblable avec le dissemblable (Contra Manichaei opiniones disputatio III) 19.
Le monde de la commixtio, donc, a été voulu directement par le Dieu bon, à l'intérieur d'un plan stratégique plus général, dont le but était celui de répondre à l'attaque des puissances de la Ténèbre, d'arrêter leur avancée et, finalement, de les anéantir. Sur ce point, Mani reste fidèle à une des inspirations fondamentales du mazdéisme, qui attribue justement la création au dieu bon, sage et omniscient et voit en elle un instrument pour contrer la jalousie et les attaques des forces du Mal, pour contenir les menaces des puissances destructrices, pour prévenir ou limiter les dommages qui peuvent en résulter. Quant à l'organisation de ce monde matériel, mise en place par une sorte de démiurge, elle aussi a une fonction salvifique:

Or, Dieu en fut rempli de compassion, et il envoya une autre puissance, celle que nous, nous nommons «démiurge». Quand cette puissance fut arrivée et qu'elle eut pris en main la création du monde, elle sépara de la matière cette part de la puissance qui n'avait eu à subir, du fait du mélange, aucune atteinte contraire à sa nature: ainsi furent d'abord créés le soleil et la lune [...]. Voilà la raison pour laquelle le monde est venu à l'être et, dans ce monde, le soleil et la lune qui, par le moyen des générations et des corruptions, séparent continuellement la puissance divine de la matière et l'expédient à Dieu (Contra Manichaei opiniones disputatio III) 20.

La création de la machine du monde et le contrôle de son fonctionnement obéissent, donc, à un dessein salvifique; il s'agit là d'une opération des puissances du Bien, exercée aux frais de celles du Mal, qui ne leur fournissent que la matière passive: pour utiliser un langage typique de l'ère de la communication globale, le hardware est mauvais, mais le software est bon. C'est ce que confirme une belle formule d'Évode:

Manichaeus enim duas dicit esse naturas, unam bonam et alteram malam: bonam quae fecit mundum, malam de qua factus est mundus (De fide 49).

Ce trait du mythe cosmogonique fait du monde une réalité non radicalement mauvaise, mais ambivalente. Le refus radical s'exerce à proprement parler, au contraire, contre le corps, parce que sa création est conçue comme une contre-manœuvre des forces du Mal, visant à neutraliser, de quelque façon, les effets de la grande machine du monde, mise en place par les forces du Bien, leurs adversaires. Le corps est, donc, entièrement une œuvre démoniaque, qui contient de la matière lumineuse en haute concentration et, par le moyen de la concupiscence, déclenche et perpétue le procès de reproduction, et devient l'instrument qui sert à garder éternellement prisonnières les étincelles de Lumière, qui, à cause du mécanisme de la métensomatose, se voient réincarnées dans des corps toujours nouveaux.

Sur la base de ces présupposés, même la théologie de l'histoire acquiert, dans le manichéisme, une valence positive. La doctrine des trois temps nous permet tout de suite de reconnaître comme le temps du milieu, celui de l'histoire, soit un moment essentiel et nécessaire à l’intérieur du drame du salut. C'est dans l'histoire que le salut se construit avec l'apport de tous. Si le moment du début est caractérisé par l’opposition dramatique entre des entités surhumaines du monde de la Lumière et du monde de la Ténèbre et si le moment de la fin doit enregistrer la composition définitive du conflit à travers le rétablissement de l'ordre primordial et de la séparation nette entre Lumière et Ténèbre, le moment médian est le théâtre surtout de l'action des grands envoyés de la Lumière, qui viennent parmi les humains pour transmettre la connaissance et annoncer le salut; dans ce contexte, le manichéisme reprend et valorise l'apport des grands prophètes des religions du passé, de Zarathustra à Bouddha et à Jésus, en les présentant comme des étapes importantes dans le chemin de la transmission de la gnose, qui atteint son sommet avec la révélation de Mani. Dans la perspective du manichéisme, le but à atteindre est celui du rassemblement de toute l'énergie lumineuse dispersée et parsemée dans le monde de la matière, en particulier dans les humains; et ce travail doit être accompli par les humains dans le temps de l'histoire: nulle intervention miraculeuse de sauveurs venant de l'extérieur n'est plus prévue; rien ne pourra plus remplacer le travail des humains. Dans ce programme de rassemblement des étincelles de Lumière, les autorités politiques et les puissants de la terre ne jouent aucun rôle particulier ou spécial: ils ne représentent d'aucune manière le monde de la Lumière, qui reste le but final vers lequel marchent tous les éléments lumineux qui sont prisonniers dans tous les humains et dans la matière, dans les végétaux surtout; mais ils ne représentent pas non plus l'antithèse de ce monde, le royaume des Ténèbres, comme symboles ou manifestations des puissances mauvaises qui asservissent les humains. Leur fonction est, comme leur nature, ambiguë et ambivalente: du point de vue de l'histoire du salut, ils peuvent ou bien aider ou bien contrer l'action de diffusion de la doctrine manichéenne et, de cette façon, accélérer ou ralentir le processus de libération de la Lumière, emprisonnée dans le monde de la commixtio.

Si pour les gnostiques la loi, l'ordre, la cœrcition, qui caractérisent l'exercice du pouvoir démiurgique (et de toute forme de pouvoir) dans le monde de l'expérience, sont l'œuvre de forces mauvaises, pour les manichéens ils constituent, au contraire, des actions positives, qui sont l'expression d'une activité qui, tout en opérant sur une réalité radicalement mauvaise, joue toutefois un important rôle sotériologique et, par conséquent, obtient des résultats qui sont bons et positifs. Nous en avons une preuve, en négatif, dans la conception que le mythe manichéen présente de l'organisation des forces du Mal: le royaume du Mal est caractérisé par le manque absolu de loi, d'ordre, d'organisation; il est déchirement perpétuel, lutte constante d'une force contre l'autre, guerre intérieure, anarchie et autodestruction permanente 21. En positif, la preuve nous en est fournie par l'organisation de l'éthique manichéenne Si pour les gnostiques l'impératif essentiel, qui aurait dû guider leurs comportements après l'expérience gnostique de l'illumination, était celui d’échapper, de toute façon et par tout moyen, aux chaînes de la matière, perçue comme limitation, cœrcition, emprisonnement, et donc de retrouver leur propre liberté en adoptant de quelque manière un comportement transgressif face au système de lois et prescriptions qui régit ce monde, dominé par des archontes mauvais, pour les manichéens, en revanche, même si le refus du corps et de la sexualité, en premier lieu, et puis de monde matériel a le même but que pour les gnostiques, c'est-à-dire la reconquête d'une condition originelle perdue, dont le monde de la commixtio est de par lui-même la négation, toutefois ils proposent, pour atteindre ce but, un chemin de quelque manière discipliné par une loi, par des préceptes et des commandements; au lieu de revendiquer une liberté absolue, conçue comme affranchissement de toute contrainte, considérée mauvaise en soi, le manichéisme propose comme idéal l'affranchissement d'une loi considérée comme mauvaise à travers la soumission à une autre loi, considérée comme bonne. Un exemple très clair nous vient d'un groupe de psaumes du Psautier manichéen de Médinet Madhi, les Psaumes des errants. L'auteur ne cesse de répéter que la connaissance de la voie, c'est-à-dire la connaissance de Dieu et des Mystères célestes, donc la gnose, ne mène nulle part si l'on ne la parcourt munis de la nourriture nécessaire pour le chemin. Or, «la nourriture excellente ce sont les commandements» (Allberry 135,5-6) 22. Cette notion de commandement (έντολή) est présente un peu partout dans les Psaumes des errants; un psaume, le n° 31, arrive même à nous proposer un véritable éloge du commandement, en analogie avec le psaume 119 du Psautier de la Bible hébraïque. Une conséquence concrète de cette conception est l'attestation, à l'intérieur du manichéisme, de pratiques de confession publique et privée des péchés, qui n'ont pas de correspondant dans d'autres groupes gnostiques; et encore la conception du jugement individuel et universel, comme moment inéluctable d'évaluation des actions accomplies par les âmes, qui tantôt les envoie vers le Trésor de Lumière, tantôt les renvoie dans le monde de la commixtio.

Encore une fois, pour les gnostiques, ce qui pose des obstacles à la marche des âmes vers la Lumière ce sont les puissances mauvaises, qui régissent ce monde et veulent les retenir sous leur domination; pour les manichéens, en revanche, l'obstacle à la montée des âmes vers le monde de la Lumière c’est bien le jugement, auquel les âmes sont soumises par les puissances lumineuses, et ce n'est qu'après le succès dans cette épreuve qu'elles peuvent poursuivre leur chemin vers le salut.

Ces brèves remarques montrent d'une façon assez claire, me semble-t-il, comment, dans le cas du manichéisme, il est difficile de parler d'une démonisation du pouvoir et de ses institutions. Mais, en bouleversant la perspective, peut-on vraiment parler d'une légitimation, ou, du moins, d’une appréciation positive du pouvoir? Il me semble que, même dans ce cas, la réponse doit être encore une fois négative. Les manichéens savent bien que le monde actuel, caractérisé par le mélange de Lumière et Ténèbre, n'a été voulu par le Père de la Lumière que comme une sorte de piège tendu aux puissances de la Ténèbre, et qu'il s'agit là d'un escamotage, d'une situation qui n'est pas définitive et qui n'est acceptée qu'en vue d'atteindre un but très précis, de type sotériologique: le rétablissement du dualisme et de la séparation originels. Tous les éléments de ce monde matériel sont, donc, nécessairement mauvais par nature; mais ils peuvent jouer un rôle positif s'ils aident à atteindre le but pour lequel ce monde matériel a été créé tel qu'il est. Tous les humains, s'ils sont illuminés par le Nous, doivent opérer, ou mieux, coopérer avec la grande machine du monde, mise en place par le Deuxième Envoyé, pour atteindre ce but. Le pouvoir politique ne peut, donc, se présenter, pour les manichéens, que comme ambigu et ambivalent, aussi bien que toutes les autres réalités de ce monde; et l'attitude qu'ils assument face à lui est hautement pragmatique, inspirée du compromis, ainsi que l'indique le modèle mythologique du Deuxième Envoyé: il doit être utilisé, flatté, apprécié, là ou cela est possible, ou bien contesté, ignoré, détourné, avec un seul but: la conquête d'un résultat positif en vue du salut.

L'église manichéenne
Cette disponibilité au compromis se retrouve à l'intérieur de la structure même de l'église manichéenne. Nous savons que les manichéens étaient organisés en une église structurée hiérarchiquement et que cette église est devenue église d'état chez les Turcs Ouïgours, bien qu’on doive reconnaître que le manichéisme, même dans cette situation privilégiée, est resté de toute façon une religion d'élite 23. En tout cas, la distinction fondamentale qui est à la base de l'organisation de cette église, c'est-à-dire celle entre Parfaits et Auditeurs, est le reflet de l'ambiguïté de toute institution de ce monde. Les conséquences logiques que le manichéen devrait tirer de l'illumination gnostique qu'il a reçue sont celles d'un refus radical du corps et du monde de la matière, sans aucune possibilité de compromis. Ce qui revient à dire que, à vouloir être cohérent à tout prix, tous les adeptes de la religion devraient se comporter comme des Parfaits. Mais cela aurait un sens si l'illumination pouvait atteindre tous les humains en même temps et que tous les humains, avec la même détermination, adoptaient des comportements cohérents avec l'illumination reçue. Mais cela apparaît invraisemblable dans le temps moyen de l'histoire. La stratégie à suivre est donc plus complexe et plus longue, mais à la fin elle arrivera à centrer l'objectif. D'ailleurs, le mythe fournit, même en ce cas, un modèle exemplaire. La stratégie de l'attaque frontale des forces du Mal s'était révélée impraticable, faute de moyens appropriés. La voie à suivre devait, donc, en être une autre, moins agressive et plus progressive, et prévoyait le recours à la ruse et au piège, comme le montre la suite du mythe. Au petit groupe des Parfaits, qui a déjà atteint, à travers l'ascèse, le salut dans cette vie, s'ajoute le groupe, plus nombreux, des Auditeurs, qui se situe à un stade inférieur de perfection et n'arrivera sûrement pas à atteindre le salut dès cette vie, mais qui, grâce aux mérites acquis, pourra espérer le faire dans une des existences successives. Les Auditeurs gardent en vie les Parfaits, en leur procurant la nourriture nécessaire; de cette façon, ils commettent des péchés (culture de la terre; récolte des fruits; etc.); mais les fruits de ces péchés deviennent des aumônes pour les Parfaits, qui accordent aux Auditeurs le pardon pour les infractions à la Règle qu'ils ont commises par devoir et avec des intentions pieuses et de cette façon ils les associent à leur œuvre de rédemption et leur permettent d'en tirer profit pour leur salut personnel. Comme dans la grande machine cosmique, où les réalités du monde matériel, mauvaises par nature, sont organisées de façon à produire un effet positif, de la même façon dans la petite machine de l'église manichéenne les péchés des Auditeurs, qui sont des actes mauvais et répréhensibles, sont orientés en vue de produire un effet positif. Ce qui compte est le but; les moyens sont indifférents.

Ce problème de la double nature de l'église manichéenne, composée de deux ordres de membres, Parfaits et Auditeurs, radicalement différents l'un de l'autre, mais complémentaires et indispensables l'un à l'autre, fait l'objet d'un écrit, le Codex de Tebessa 24, qui cherche à légitimer et à justifier cette situation par des passages de l'Écriture, tirés en particulier des lettres de Paul et des évangiles canoniques. En soulignant le rapport d'échange mutuel et de complémentarité qui caractérise les deux ordres 25, notre texte cite, à côté de Mt 10,41 (ό δεχόμενος προφήτην είς όνομα προφήτου μισθόν προφήτου λήμψεται, καί ό δεχόμενος δίκαιον είς όνομα δικάιου μισθόν δικαίου λήμψεταί) 26, le logion de Lc 16,9 (έαυτοίς ποιήσατε φίλους έκ τού μαμωνά τής άδικίας) 27. Le verset de Matthieu suggère que, pour recevoir la récompense du prophète ou celle du juste, il n’est pas nécessaire d’être prophète ou juste: il suffit d’être disponible à l’accueil; dans ce cas, il y aura un échange entre celui qui est accueilli et celui qui accueille, au bénéfice de ce dernier. Le verset de Luc va encore plus loin et invite à exploiter les avantages qui viennent même d'une richesse injuste pour obtenir le salut éternel. Les deux versets sont appliqués dans l’interprétation, à la condition de l'église manichéenne: il est vrai que les Auditeurs, à la différence des Parfaits, sont asservis à ce monde, en possèdent les richesses éphémères, se marient, cultivent la terre, utilisent l'argent et concèdent des prêts à usure 28; tout cela, naturellement, les éloigne du salut. Mais, comme le suggère le logion évangélique, ils peuvent tirer profit même de ces activités qui, tout en étant mauvaises en elles-mêmes, coopèrent cependant au fonctionnement de l'église manichéenne et au grand projet salvifique du rassemblement et de la purification des étincelles de lumière qu'elle réalise dans le temps médian de l'histoire. Et cette attitude pragmatique, suggérée par Lc 16,9, peut trouver une autre application, comme on l'a vu, dans les relations entre les manichéens et les puissants de la terre: le but juste (soutenir la diffusion de la doctrine salvifique de Mani) peut admettre aussi le recours à des moyens injustes (la coopération avec les puissances et les institutions de ce monde mauvais) 29.

Remarques finales
À la différence des autres systèmes religieux dualistes contemporains, le marcionisme et le gnosticisme, qui refusent de manière radicale toute forme de pouvoir de ce monde en tant que manifestation de l'activité de puissances mauvaises, qui asservissent les humains et les empêchent d'atteindre le salut, situé dans une dimension complètement extra-mondaine, le manichéisme a donc adopté face à ce problème une attitude moins rigide et moins radicale. Les gnostiques, à la suite de leur anti-cosmisme radical, ont dénié au pouvoir de ce monde et à ses institutions toute légitimation au nom d'un pouvoir autre, qui s'exerce dans le monde divin et qui n’a nulle possibilité de représentation dans le monde de la matière; les manichéens, par contre, ont reconnu au pouvoir politique et à ses institutions une représentativité au moins partielle, fonctionnelle de l’ordre du divin. Les autorités politiques appartiennent à ce monde et participent de l’ambiguïté qui caractérise toutes les réalités de ce monde; de la même façon, leur fonction, comme leur nature, participe de la même ambiguïté. Pour ce qui concerne le parcours long et compliqué qui mène au salut, ils peuvent ou bien l'aider ou bien le gêner, mais pas en raison de leur nature intrinsèque ou des objectifs qu'ils poursuivent. Leur qualité, bonne ou mauvaise, ne se mesure que sur la base de l’apport qu’ils peuvent donner ou refuser à la diffusion de la doctrine salvifique que représente le manichéisme.


Notes
18. Cf. ALEX. LYCOPOL., Contra Manichaei opiniones disputatio III: «Ce dernier (scil. Dieu) résolut de la châtier, mais il fut bien en peine de trouver le mal nécessaire à son châtiment: en effet, il n'y a point de mal dans la maison de Dieu» (trad. Fr. par A. Villey: ALEXANDRE DE LYCOPOLIS, Contre la doctrine de Mani, Cerf, Paris 1985, p. 59).

19. Trad. fr par A. Villey, p. 59.

20. Trad. fr. par A. Villey, p. 59-60

21. Cf. H. JONAS, Gnosis und spätantiker Geist, vol. I, Vandenhœck & Ruprecht, Göttingen 1934, p. 294, avec le renvoi à de nombreux passages pertinents à l’inté rieur de la littérature manichéenne.

22. Cf. C.R.C. ALLBERRY, A Manichaean Psalm-Book, Part II «Manichaean Manuscripts of the Chester Beatty Collection», vol. II), Kohlhammer, Stuttgart 1938; une traduction française se trouve dans A. VILLEY, Psaumes des errants. Écrits manichéens du Fayyum, Cerf, Paris 1994.

23. Cf. G. FOWDEN, Gli effetti del monoteismo nella tarda antichità, p. 95.

24. Cf. R. MERKELBACH, «Der manichäische Codex von Tebessa», in P. BRYDER (ed.), Manichaean Studies. Proceedings of the First International Conference on Manichaeism, August 5-9, 1987, Department of History of Religions, Lund University (Sweden), Plus Ultra, Lund 1988, p. 229-264; J. BEDUHN, G. HARRISON, «The Tebessa Codex: A Manichaean Treatise on Biblical Exegesis and Church Order», in P. MIRECKI, J. BEDUHN (ed.), Emerging From Darkness. Studies in the Recovery of Manichaean Sources, Brill, Leiden 1997, p. 33-87; F. DECRET, «Aspects de l'Église Manichéenne. Remarques sur le Manuscrit de Tébessa», in A. ZUMKELLER (Hrsg.), Signum pietatis. Festgabe für Cornelius Petrus Mayer, OSA, zum 60. Geburtstag, Augustinus Verlag, Würzburg 1989, p. 123-151.

25. Augustin, qui connaissait bien l'église manichéenne, puisqu'il y avait milité, parle justement de professiones pour indiquer les deux ordres, en soulignant de cette façon la perspective moins statique-ontologique que dynamique-fonctionnelle de la classification; cf. AUG., Haer. 46: «Nam his duabus professionibus, hoc est Electorum et Auditorum, ecclesiam suam constare voluerunt».

26. Cf. Cod. Teb., col. 11,4-19: «[H]aec ut inquam ad catechumenorum gradum spectant, carissime quod ali[b]i manifeste [...] declarat cum [dicit]: quis susc[ipit prof]etam in nomime profet[ae] mercedem [pro]fetae accipi[et] et quis susci[pit ius]tum in nom[ine ius]ti mer[cedem ius]t[i accipiet]» (le texte est celui de l'édition de J. BEDUHN et G. HARRISON).

27 Cf. Cod. Ted., col. 4, 6-17: «[I]dcircoque iubet diuitibus — quos et ipsos secundi ordinis discipulos appe[lla]ri praedixim[us – ut e]os sibi amicos faciant quo[r]um se facultates ist[ic] defecerint, quas utique ist[ic]relinquere necesse est»;col. 16, 1-19: [diu]tias po[ssident]es auditores [salt]em siue ut dixi[m]us catechumeni [s]unt appellati, qui [q]uoniam in saeculo [c]onstituti et ab illo [a]dhuc perfect[orum gra]du inferiores ut diuiti]as possiden[tes in] euangelio [mammo]ne uocabulo nuncupati sunt, Idcirc[o] confert ad eos [ser]monem suum idem saluator et [dominus]: Fac[ite uobis amicos] d[e mammone]»; cf. aussi l'allusion au même verset à la col. 13, 2-8.

28. Cf. Cod. Teb., col. 13, 9-15: «Quare praeci[pit eis] qui adhuc [manibu]s suis t[erram...] colu[nt et fene]rantur et m[atr]imonia possi[de]nt».

29. Cf. S.N.C. LIEU, Manichaeism, p. 29,

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