La dynamique cinématographique de 1958-1969 - 4e partie

Yves Lever
Ce texte est tiré du livre Le cinéma de la Révolution tranquille de Panoramique à Valérie, étude réalisée en 1990-1991 et publiée à 300 exemplaires par l'Institut québécois du cinéma et le cégep Ahuntsic. Le corps de l'ouvrage est constitué de l'analyse de plus de 160 films de cette période comprise entre 1957 et 1969. Pour chacun de ces films sont fournis un générique intégral, pris sur la pellicule, diverses informations liées à la production, une section «ce qu'on en a dit» offrant divers points de vue de critiques ou d'historiens et une analyse du film par Yves Lever. S'ajoutent un long index thématique et un chapitre traitant de «L'imaginaire du cinéma de la révolution tranquille». L'étude peut être consultée dans les bibliothèques des universités et cégeps au Québec, et à la Médiathèque Guy-L.-Coté de la Cinémathèque québécoise.
Quatrième caractéristique: des trois autres résultent la secondarisation de la technique et du langage visuel ou bien leur trop grande mise en évidence, les deux s'inspirant des audaces de la Nouvelle vague française84 et cherchant une sorte de distanciation dans l'esprit du théâtre de Brecht. Comme s'il fallait de temps en temps rappeler au spectateur qu'il est au cinéma. Ce sont les changements de focales ou l'absence de profondeur de champ de Seul ou avec d'autres, les coupes bizarres, le montage hachuré, les raccords boiteux ou l'inscription du tournage dans le film même du Chat dans le sac85, la banalité de la photographie dans la plus grande partie d'À tout prendre, du Révolutionnaire et de bien d'autres films, le refus du découpage et la fétichisation du plan-séquence chez Lefebvre, l'idéalisation de l'éclairage naturel ou de celui qui s'en rapproche le plus chez Brault. «La technique est absurde», s'applique à prouver Jean Pierre Lefebvre dans Comment faire ou ne pas faire un film canadien86, après avoir déjà dit que «la technique s'apprend en une semaine». Le caractère brouillon de plusieurs films ne résulte pas seulement de l'inexpérience ou des limites dûes à l'équipement87, il est souvent voulu comme tel pour exprimer le jaillissement d'une créativité se libérant des schèmes du cinéma américain: toujours l'idéal de dire autre chose, autrement. Les réalisateurs de Seul ou avec d'autres n'ont peut-être pas utilisé exactement la forme désirée, mais malgré les contraintes techniques, et en partie à cause d'elles, À tout prendre, Le chat dans le sac ou Le révolutionnaire correspondent assez exactement à ce que Jutra, Groulx et Lefebvre88 veulent faire, à leur vision du cinéma. La meilleure preuve est que même disposant de moyens plus considérables, leurs films suivants se situent assez exactement dans la continuité thématique et formelle de ces premiers longs métrages.

Cinquième caractéristique: ce courant emploie surtout des comédiens non-professionnels en vue de donner plus de vraisemblance et d'originalité au personnage et de ne pas l'affubler des tics d'un comédien, de son «identité de star de cinéma» ou des stéréotypes qu'il transporte de ses autres rôles. C'est un réflexe tout à fait intéressant, tenant compte d'une réalité incontournable: le comédien vedette, dans la mesure même où il joue bien, ne renvoie qu'au jeu théâtral, porteur de sa propre vérité, mais complètement opposé à l'intention réaliste de l'expression désirée; par exemple, Réal Giguère renvoie moins à son personnage d'artiste (dans Caïn) qu'à Réal Giguère l'animateur-vedette de la télévision qui est capable, en plus, de jouer des rôles. À la limite, le cinéaste lui-même, quoique mauvais comédien, défend le rôle: c'est Claude Jutra dans À tout prendre, Patrick Straram dans La terre à boire, Jean Pierre Lefebvre dans Patricia et Jean-Baptiste89. Le plus souvent, c'est un copain ou une copine, ou un parent du réalisateur ou d'un membre de l'équipe (Seul ou avec d'autres, Le chat dans le sac, Jusqu'au cou, La terre à boire, Le viol d'une jeune fille douce ...) ou un groupe de copains (Le révolutionnaire, Kid sentiment) ou parfois un collègue cinéaste (Nominingue depuis qu'il existe, C'est pas la faute à Jacques Cartier). Remarquons que dans le court métrage de fiction et pour certains rôles du long métrage «traditionnel», parfois même pour le principal, le même procédé est utilisé (Trouble-fête, Il ne faut pas mourir pour ça, De mère en fille, Le grand Rock, Entre la mer et l'eau douce). Quand on y utilise des professionnels, on va moins les chercher au théâtre (Marcel Sabourin, Geneviève Bujold) ou à la télévision (Guy Sanche) que dans le monde du spectacle (Gilles Vigneault, Claude Gauthier, Georges Dor, Mouffe et Robert Charlebois) et on leur demande de ne pas jouer comme au cinéma90. À un grand nombre, surtout les non-professionnels, le metteur en scène enjoint d'être d'abord ce qu'ils sont dans la vraie vie avant d'entrer dans le rôle, de rester personne singulière en plus d'entrer dans un personnage91: Claude du Chat dans le sac est en partie Claude Godbout, Gilles de La neige a fondu sur la Manicouagan reste beaucoup Gilles Vigneault, comme le Claude Tremblay d'Entre la mer et l'eau douce emprunte beaucoup à Claude Gauthier; le Patrick Straram jouant Patrick dans Fabienne sans son Jules, Nicholas dans À tout prendre ou Patrick dans La terre à boire n'est jamais rien d'autre que lui-même. Dans le but d'accentuer encore cette identification, plusieurs comédiens conservent leur prénom92, mais soit avec un nom différent, soit, très souvent, sans aucun nom de famille.

Sixième caractéristique: le nécessaire rapport direct au vécu. Gilles Groulx l'exprime directement:
    Pour moi, créer au cinéma est essentiellement subjectif et déterminé par le «vécu». C'est aussi ma seule manière d'en parler. Il ne saurait être question de notre cinéma sans qu'il soit aussi question des conditions qui prévalent au Québec. La réflexion ne se retire pas du monde même si l'on ne saurait pas y faire la part du rêve et du réel. Cela me tient lieu de conscience et de définition du cinéma93.

Cette «tendance Groulx» pour le «vécu»94, telle qu'elle est comprise sous l'influence profonde du documentaire, devient la norme pour plusieurs et influence même les auteurs de l'autre courant (le Patry de Trouble-fête, le Carle de La vie heureuse de Léopold Z.). Elle s'oppose, subtilement mais avec force, à ce qu'on appelle habituellement les «oeuvres d'imagination»95: elle force en quelque sorte à utiliser le matériau social brut, sans grande transposition ou stylisation pour qu'il reste immédiatement reconnaissable. Elle tombe souvent dans la banalisation de la narration et une certaine platitude du récit. Fait révélateur, la formule habituelle «Toute ressemblance avec des personnes réelles ou ayant existé ne pourrait être que fortuite et pure coïncidence» ne se retrouve à la fin que d'un seul générique parmi les films étudiés (Le grand Rock de Raymond Garceau)96. Cela se comprend d'autant plus facilement que le caractère autobiographique – pour le réalisateur ou pour certains comédiens – apparaît souvent très évident (À tout prendre, Le chat dans le sac, La terre à boire, De mère en fille, Entre la mer et l'eau douce97). C'est dans cette voie surtout que les Jutra, Groulx ou Lefebvre veulent réaliser leur cinéma d'auteur. À l'extrême, elle donne Tout l'temps, tout l'temps, tout l'temps...? (F. Dansereau), où disparait même l'idée du cinéma d'auteur: le cinéaste met sa compétence technique au service d'un groupe de personnes qui scénarisent et interprètent une fiction qui n'est que transcription – même pas vraiment une transposition – de leur propre vécu.

C'est ce courant qui retient surtout l'attention des historiens. Avant tout à cause de la valeur esthétique ou sociologique de certaines oeuvres, mais aussi à cause de l'intérêt que la critique et les festivals lui portent. Il correspond aussi à une sensibilité et à une vision du cinéma qui, bien que n'étant pas le fait de la majorité des cinéastes, en regroupe les plus influents et, si on peut dire, détient le pouvoir pendant les années 60. Ce qui ne signifie pas que les films se ressemblent. Au contraire, on constate une grande diversité de tons et d'idéologies, en plus de la différence de qualité, entre ce que font les Jutra d'À tout prendre, Groulx du Chat dans le sac, Héroux de Jusqu'au cou ou Godbout de Kid sentiment, et les Lefebvre du Révolutionnaire, Il ne faut pas mourir pour ça et Jusqu'au coeur, Poirier de De mère en fille, Fournier du Dossier Nelligan, Carrière de St-Denis dans le temps. La fiction métissée de direct ne suscite pas l'unanimité non plus, loin de là, mais presque toutes les sorties de films provoquent des débats passionnés et, pour le meilleur et pour le pire, le courant sert d'aune pour mesurer toute la production. Pour le meilleur, car il favorise l'émergence de véritables auteurs, la recherche d'une esthétique originale et adaptée au contexte local, un engagement authentique envers la collectivité, l'élimination d'un imaginaire colonisé par la cinématographie hollywoodienne. À l'historien sociologue, il fournit un matériau passionnant qui reflète, au niveau premier et très explicite, le «vécu» du cinéaste intellectuel, ce qui aboutit à un cinéma très enraciné. Pour le pire aussi, car il amène les cinéastes à limiter eux-mêmes l'exploration de leur imaginaire, à se méfier de leur inspiration, à censurer leurs désirs. Il les empêche de laisser libre cours à leurs fantasmes, de s'éclater dans toutes les directions et de jouer de tous les niveaux de la symbolique98. Il rend suspect tout film qui se veut spectacle et jeu, tout film qui veut utiliser toutes les possibilités du langage cinématographique pour styliser et «faire du cinéma» (expression devenue péjorative)99. Il amène aussi une bonne partie de la critique – et ce qui est plus grave, les cinéastes eux-mêmes – à juger très sévèrement les productions de l'autre courant. Il n'encourage pas beaucoup la confrontation avec un public autre que celui de la coterie, car il refuse de donner au large public des salles les deux ingrédients traditionnels attendus: une bonne histoire et des vedettes. Tout cela finalement retarde l'éclosion d'une véritable fiction pour les salles de cinéma.


b) Le courant Trouble-fête
À mesure qu'il tourne des documentaires dans le style classique, Pierre Patry affine de plus en plus sa technique, au point où Les petites soeurs, par exemple, est scénarisé et mis en scène exactement comme une fiction. Il aborde ensuite le genre avec des courts métrages (Louis-Hippolyte Lafontaine; Il y eut un soir. Il y eut un matin) qui lui permettent de diriger des comédiens professionnels et de travailler encore plus la mise en scène. Ne croyant pas pouvoir réaliser à l'ONF ses projets de longs métrages dramatiques, il le quitte en 1963 pour fonder Coopératio avec Roger Blais et Jean-Claude Lord, formant un noyau initial qui regroupe en fait trois générations, Blais étant de 10 ans son aîné et un vieux routier de l'ONF, Lord sortant à peine du collège classique. Son idée est de faire financer la production par les créateurs eux-mêmes, réunis dans une coopérative souple qui peut accueillir toutes sortes de projets et mettre en oeuvre toutes les formes possibles de financement. Coopératio ne fonctionne pas avec une théorie préalable du cinéma, sinon celle de fabriquer un produit efficace qui pourrait pénétrer le marché des salles.

Patry tourne Trouble-fête à l'été de 1963 avec un scénario que Jean-Claude Lord (qui n'a que 20 ans et qui s'intéresse plus au cinéma d'Hollywood qu'à la Nouvelle vague) a bâti à l'américaine: prédominance de l'action sur les situations, découpage en multiples et courtes scènes, grand nombre et grande variation des plans et des effets de caméra, personnage central fort et suscitant immédiatement l'identification, mais accompagné de beaucoup d'autres, interprétation fébrile, éclairages les plus élaborés et les plus soignés possible, dialogues précis et concis, qualité technique que seul le 35 millimètres permet, utilisation de comédiens-vedettes de la télévision associés à des jeunes professionnels, narration limpide avec beaucoup de ressorts dramatiques bien soulignés par la musique100. Ces caractéristiques, qui ne cherchent pas à renouveler le langage cinématographique, mais à utiliser simplement toutes ses possibilités en les associant à un contenu signifiant, seront grosso modo celles de tout le courant nouveau101. Comme sujet pour Trouble-fête, une petite révolte d'étudiants dans un collège classique encore dominé par des prêtres, ce qui ne peut manquer d'intéresser un large public puisque la critique de la religion est à la mode et que le système d'éducation amorce sa transformation. La recette porte fruit puisque malgré un certain nombre de maladresses, qu'une critique mitigée ne manque pas de souligner, le film attire plus de 300 000 spectateurs102, ce qui, dans une exploitation en pleine décroissance, constitue une énorme succès que seul les meilleurs titres d'Hollywood atteignent.

Les films suivants de Coopératio n'auront pas cette chance. Sur la lancée de Trouble-fête, Patry réalise La corde au cou et Caïn, deux adaptations de romans; le premier de Claude Jasmin, jeune auteur célébré par la critique et le second (inédit, et il le restera) de Réal Giguère, animateur vedette à la télévision et comédien. Reprenant la recette hollywoodienne de Trouble-fête, le réalisateur veut s'appuyer sur un scénario plus étoffé, plus adulte, plus dramatique que les histoires de collégiens rebelles. Dans ses deux nouveaux films, il met en vedette Guy Godin, une étoile montante de la télévision et du théâtre, en compagnie de comédiens chevronnés. De plus, il réussit à convaincre le distributeur France-film d'investir dans la production. Mais à la sortie des films, la critique se montre extrêmement sévère et ne pardonne plus la moindre maladresse, sans souligner quelques réelles qualités. Le public n'apprécie guère ces drames psychologiques trop chargés de morts – surtout de mortes – qui manquent d'amour et de passion, qui tombent souvent dans le mélodrame. Les deux sont des échecs financiers. En 1965, Lord tourne Délivrez-nous du mal, aussi une adaptation d'un roman de Claude Jasmin, qui connaît un sort plus misérable encore puisqu'il ne connaîtra qu'une brève sortie en 1969. La même année, Coopératio produit l'adaptation qu'Arthur Lamothe fait du roman d'André Langevin, Poussière sur la ville. On éprouve toutes sortes d'ennuis au moment de la postproduction et le film ne sort qu'en 1968, dans l'indifférence générale. Décidément, l'adaptation de romans aux intrigues sombres et torturées ne réussit guère aux auteurs103. On comprend assez mal, d'ailleurs, ce qui a pu les séduire dans ces histoires qui se développent surtout en de longs monologues intérieurs. Dernier film de Coopératio, Entre la mer et l'eau douce appartient davantage au courant de Seul ou avec d'autres qu'à celui de Trouble-fête avec son souci documentaire et son esthétique réaliste éloignée du découpage hollywoodien.

Avec le même désir de pénétrer le marché des salles que Patry, en utilisant aussi pour une grande part les procédés hollywoodiens (grandes vedettes surtout – Pauline Julien, Gilles Pelletier, Patricia Nolin et la jeune star montante Geneviève Bujold – et numéros d'acteurs, images clinquantes, quelques scènes audacieuses), mais avec une bonne dose de prétention intellectuelle (Patrick Straram se scénarise et interprète le rôle de sa vie), Jean-Paul Bernier tourne La terre à boire en juin 1964 et le lance dès l'automne suivant. Malgré le petit scandale qui entoure la première, annulée au moment même où elle doit se dérouler parce que le Bureau de censure exige des coupures, le public n'est pas dupe des ficelles trop visibles d'un scénario mal foutu et du goût de la provocation de Bernier et de Straram. Le même été et dans presque le même esprit, Camil Adam dirige la jeune starlette Mariette Lévesque dans Manette (La folle et les dieux de carton). Ici, non seulement le scénario trop alambiqué avec ses jeux sur le temps devient souvent incompréhensible, mais l'actrice joue faux, tout comme la voix qui la postsynchronise, et la pellicule 16 millimètres avec de mauvais éclairages donne une image affreuse. Une bande-annonce racoleuse utilisant surtout le court moment où le personnage montre ses seins ne réussit pas à attirer le public quand Manette sort finalement en 1967, à l'Elysée. L'industrie privée ne semble pas partie sur un bon pied... Deux autres tentatives du même ordre connaissent un sort similaire ou pire: La douzième heure de Jean Martimbeau qui est lancé à la Place des arts mais ne connait que ce soir de «gloire», Carnaval en chute libre de Guy Bouchard que presque seulement les amis du réalisateur à Chicoutimi ont pu voir.

A l'ONF, Gilles Carle a plus de chance que Patry, commençant à tourner ce qui deviendra La vie heureuse de Léopold Z. en décembre 1963104, dans le cadre du projet «Hiver 1,... 2,... 3» qui, avec la complicité du producteur Jacques Bobet passe du court au long métrage et donne aussi Le chat dans le sac et La neige a fondu sur la Manicouagan105. L'absence de neige cet hiver-là, qui favorise Groulx, retarde considérablement le tournage de Carle qui ne pourra le terminer qu'au début de 1965. L'influence du direct (l'aspect documentaire sur l'hiver, d'autant plus paradoxal qu'il a fallu reconstituer la tempête finale, selon Carle) reste sensible, mais les personnages basculent résolument dans l'humour de l'imaginaire avec le style d'interprétation que le réalisateur fait prendre à ses deux personnages principaux et avec la mise en scène proprement cinématographique. La vie heureuse de Léopold Z. reste avant tout un film d'acteurs. Personne ne possède de données précise quant au nombre d'entrées en salle, mais le film aurait remporté un honnête succès.

Toujours à l'ONF, Fernand Dansereau aussi a de la chance. Après avoir initié la partie «régime français» de la série «Artisans de notre histoire», il reçoit d'Alec Pelletier (scénariste à l'occasion, épouse de Gérard Pelletier, ancien collaborateur de l'ONF, journaliste et futur ministre au gouvernement fédéral) un scénario qui reprend, sous une forme tout à fait éclatée, l'aventure missionnaire des jésuites chez les Hurons de la baie Georgienne au 17e siècle: le personnage principal, avec sa problématique, sort de l'imagination de l'auteur et ce sont les autres personnages autour de lui, notamment la figure historique du père Brébeuf, un des «Saints martyrs canadiens» qui l'ancrent dans la réalité et la vraisemblance. Dansereau, qui pense déjà que s'«il faut pouvoir s'imaginer pour se connaître, il faut pouvoir s'imaginer autre pour se libérer»106 et qui ne croit vraiment qu'à l'efficacité de la fiction au cinéma107, oriente décidément son film du côté de l'irréel, bien que soignant la reconstitution historique des lieux, des costumes et des gestes. On lui reprochera de ne pas avoir peint de «vrais Indiens» ni de «vrais» jésuites108, mais c'est dans l'imaginaire qu'il cherche sa vérité et c'est pour cela qu'il donne aux Amérindiens une langue aussi pure et élaborée que celle des jésuites, que son personnage principal – le jeune jésuite – ne correspond à personne en particulier (il ne lui donne même pas de nom), qu'il utilise résolument un langage cinématographique complexe: flashbacks, voix off, découpage élaboré, éclairages sophistiqués, interprétation théâtrale, onirisme dans quelques scènes, masques élaborés pour les Amérindiens. Son personnage principal est joué par un jeune professionnel peu connu (Jean-Pierre Sabourin), mais à côté de lui, Alain Cuny, comédien respecté en France donne une belle prestance à Brébeuf. Prévu d'avance pour sortir à la télévision (Radio-Canada est coproducteur), Dansereau espérait quand même le voir projeté en salle, seul lieu qui rende justice à la photographie (de Georges Dufaux), mais aucun distributeur n'en veut à cause de son caractère austère et aussi de sa complexité au plan religieux (ce qui ne l'aide pas dans les milieux intellectuels). Le film connaît finalement une assez bonne critique (sauf à Objectif), mais sa sortie à la télévision a anéanti toutes ses chances en salles109.

A l'été de 1965, aussi à l'ONF, Jacques Godbout tourne YUL 871 sur un scénario original qu'il a composé110. L'esthétique emprunte surtout à la Nouvelle vague, mais avec une narration classique (y compris dans ses flashbacks), l'utilisation de procédés traditionnels: acteur connu (Charles Denner)111 et grande star québécoise (Andrée Lachapelle), casting-vedette dans des rôles secondaires (Paul Buissonneau, Jean Duceppe, Louise Marleau...), scènes de lit (mais encore avec un drap stratégiquement placé), petites séquences accrocheuses de vedettes qui viennent faire leur petit tour et puis s'en vont (spectacle des Jérolas, Jacques Normand, Jacques Desrosiers), photographie soignée (Georges Dufaux) qui donne aux promenades dans Montréal un style de travelogue, accompagnement musical efficace. Plutôt cérébral, le sujet principal – la recherche du père – n'est pas encore très à la mode. Compréhensible dans le milieu intellectuel, le titre – que personne ne sait comment prononcer – n'a rien de très accrocheur pour le large public. Malgré une critique positive, YUL 871 n'obtient pas de succès en salle.

Ce même été 1965, Denis Héroux donne une nouvelle orientation à sa carrière. Comme il est souligné plus haut, ses deux premiers films font partie du courant «pollinisé» par le documentaire: Seul ou avec d'autres et Jusqu'au cou appartiennent autant aux Arcand, Groulx, Brault et Carrière qu'à Héroux112. Avec Pas de vacances pour les idoles, il commence à faire le cinéma vraiment populaire dont il rêve: sujet à la mode («les Beatles, ça se vend mieux que les Hurons et les missionnaires»113), grandes vedettes (Joël Denis et Albert Millaire formant un duo peu banal) et belle jeune starlette (Suzanne Lévesque), ton léger (il ne faut pas répéter l'erreur de Coopératio), beaucoup d'action, romantisme, musique efficace, rythme, gags faciles, etc. Il retient aussi de la tradition hollywoodienne l'importance d'une campagne de presse efficace dans les médias avant même que le film ne soit prêt, de la grande première qui fait désirer le produit. Le rock et le yéyé étant à la mode, sa première oeuvre «personnelle» sera donc une comédie musicale qui obtient beaucoup de succès. Trois ans plus tard (en septembre et octobre 1968), bénéficiant de l'évolution générale des moeurs et de la censure, il tourne Valérie (sorti le 2 mai 1969), encore un film d'initiation (pas à l'université cette fois, mais dans un milieu de riches playboys), qui peut maintenant se permettre plus de nudité et d'audace dans les gestes. Il prend un risque en confiant le rôle principal à une inconnue qui n'a pas de métier. Toutefois, Danielle Ouimet se révèle la perle rare. Elle ne joue peut-être pas très bien son rôle sur l'écran, mais en dehors, elle est parfaite; non seulement se prête-t-elle avec aisance au jeu médiatique, répondant ingénuement aux questions, multipliant les déclarations scandaleuses sur la libération des femmes et sur les hommes, affichant la même liberté sexuelle que dans son rôle, revêtant ce qu'il faut de toilettes transparentes pour attirer tous les regards et canaliser l'attention, mais sa vie personnelle offre des pièces de choix aux journaux à potins: ses aventures présentes et passées sont étalées à la une; on découvre petit à petit des faits contradictoires avec son ingénuité présente (un fils vivant en France chez les parents d'un ex-mari), mais cela n'en fait qu'une «victime» digne de pitié. Au fond, tout cela sert surtout à démasquer l'hypocrisie qui a longtemps régné dans le milieu au sujet des moeurs sexuelles. Si Ouimet devient une «Valérie», elle amuse par ses audaces; en même temps, elle rassure, car le personnage se range tout à fait après sa période d'égarements. Par son côté provoquateur autant que par sa morale rassurante, Valérie résume la recherche des années 60 pour un cinéma populaire. Son succès financier est énorme: au moins 20 fois son coût de production (99 000 $), ce qui permet à Héroux de rappliquer avec d'autres «initiations» dès l'année suivante, de susciter des émules et de relancer ainsi l'industrie, non seulement de la production mais aussi de l'exploitation. Mais ceci est une autre histoire...

Clément Perron était entré à l'ONF en 1957 comme scénariste. Il avait écrit pour Bernard Devlin L'héritage et L'immigré. Ses principaux courts métrages documentaires personnels (Bacheliers de la cinquième, Caroline, Jour après jour) relevaient d'une mise en scène typiquement fictionnelle et très efficace. Georges Dufaux lui avait déjà été associé pour quelques productions (entre autres, Caroline, Loisirs, Cinéma et réalité). Les deux scénarisent et réalisent C'est pas la faute à Jacques Cartier en 1967. Comédie légère et haute en couleurs, le film utilise une vedette du petit écran (Jacques Desrosiers) et mêle calembours, slapstick, imitations, farces, etc., à des reconstitutions historiques (et hystériques!), à des séquences oniriques et à d'autres tournées comme le polar. Le résultat s'avère assez intéressant mais ne se retrouve qu'à la télévision, qui ne lui rend pas justice (la couleur ne vient que d'y entrer et la très grande majorité des téléspectateurs n'ont encore que le noir et blanc, les scènes à grand déploiement perdent toute leur ampleur). Le film est largement diffusé dans le réseau communautaire par après.

Bien connu comme vieux routier du documentaire, Raymond Garceau a cependant toujours voulu faire du long métrage de fiction114. Avant 1967, il n'a pu toucher au genre qu'avec trois courts métrages (Référendum, Tit-Jean dans l'Ouest, Les diableries d'un sourcier), bien que plusieurs de ses documentaires soient mis en scène comme la fiction. L'ONF lui offre finalement l'occasion de réaliser Le grand Rock où il tente, avec une histoire de gangster réalisée à l'américaine, d'exprimer sa vision des transformations vécues en campagne, espérant concilier l'efficacité d'Hollywood avec un contenu authentiquement culturel. Mais malgré quelques moments réussis, le film souffre d'une mise en scène boiteuse et d'une interprétation faible. Sorti au début de 1969, il ne réussit pas à accrocher vraiment le spectateur.

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Au moment où se termine cette phase de l'aventure du long métrage dramatique, la situation ne sourit à personne. L'ONF n'a pas su prendre le leadership et malgré quelques réussites relatives n'a pas pénétré le marché des salles. On continue d'y rechercher un style de fiction peu en accord avec les attentes d'un large public et qui, au mieux, réjouit les cinéphiles et les jeunes contestataires. On le sait maintenant, ce style n'avait pas d'avenir. A l'extérieur de l'ONF, le cinéma indépendant reste «pauvre, moribond... et libre» comme le dit bien Monique Fortier115, mais cela ne parait que bien mince consolation. Avant Valérie, le long métrage de fiction ne connait donc qu'un très modeste succès en salles116. Seuls quelques titres font à peu près leurs frais (Seul ou avec d'autres, Trouble-fête, Pas de vacances pour les idoles). Tout ce qui ne sort pas de l'ONF est financé avant tout par les artisans eux-mêmes qui investissent leurs salaires et cachets, parfois même la totalité, en participation. Il leur faut donc drôlement s'obstiner pour poursuivre une oeuvre. Tous n'ont pas cette énergie: Pierre Patry, Camil Adam et Jean-Claude Lord quittent le cinéma; seul le dernier y reviendra. Les autres, même les plus «indépendants» (Jean Pierre Lefebvre, Claude Jutra) survivent avec des contrats à la pige pour l'ONF ou avec du travail dans la publicité (Gilles Carle, Denis Héroux, Claude Fournier...). Il n'est même pas évident que plusieurs (sauf Lefebvre, Héroux et peut-être Carle) croient encore à la possibilité du long métrage dramatique. Jutra, Dansereau, Lamothe, Brault, Dufaux, Carrière, retournent à la pratique du documentaire et ne reviendront à la fiction qu'après des délais plus ou moins prolongés, lorsque la situation générale se sera transformée; et d'ailleurs, autant leurs thématiques que leurs critères esthétiques s'adapteront à la nouvelle conjoncture117.


Notes
84. Gilles Groulx reconnait directement cette influence dans le «Dossier canadien» des Cahiers du cinéma, mars 1966, p. 61. Et Gilles Carle affirme: «A ce moment-là, si on se remet dans l'ambiance, tout le monde ne parlait que de la Nouvelle vague. Les critiques n'aimaient que la Nouvelle vague: Godard, Resnais, Kast, Rivette. J'ai fait Léopold Z. en réaction». (Gilles Carle, Cinéastes du Québec, no 2, réédition de 1976, p. 24).
85. «Le premier signe de décadence apparaît quand un art se choisit lui-même comme sujet», dit Jacques Godbout (Liberté, 44-45, mars-juin 1966, p. 164), qui ne se gênera pas, quelques années plus tard, pour inscrire lui aussi le tournage dans la trame même de Kid sentiment. Du même réflexe vient la manie de Brault dans Entre la mer et l'eau douce, de multiplier les références à d'autres films, manière aussi de faire des clins d'oeil à des copains.
86. Brochure publiée par la Cinémathèque canadienne en 1967, non paginée.
87. Ceci complète l'explication des «brouillons» selon Yvan Patry; voir note 2 de la page 29 (section cinéastes).
88. Gilles Groulx affirme en 1964: «Je me sens comme un privilégié: je possède un métier extraordinaire, j'ai la chance de dire ce que je pense sur un écran et personne n'a le droit de parler dans la salle (pour protester, le spectateur doit sortir). Je montre des images que j'ai choisies, éclairées comme je l'ai voulu, je veux tout ce qui est sur l'écran – et chacun de mes films a été fait de cette façon, pas un seul plan que je n'ai pas pensé.» (Objectif, 29-30, octobre-novembre 1964, p. 11). Un peu plus tard, c'est Jean Pierre Lefebvre qui dit au sujet du Révolutionnaire: «Il ne m'appartient pas de dire si j'ai réussi ou non; mais je puis dire que j'ai fait le film que j'ai voulu faire et qu'à travers le dédale de difficultés techniques et autres qui sont survenues, je suis arrivé à assumer l'entière responsabilité de ce que je faisais», «Dossier canadien», Cahiers du cinéma, mars 1966, p. 68.
89. Même Clément Perron et Georges Dufaux, dans un porte-à-faux reconnaissable uniquement par les «connaisseurs», jouent des rôles loufoques de policiers dans C'est pas la faute à Jacques Cartier.
90. On lira sur ce sujet «Fais pas l'acteur» de Jean-Claude Germain dans le numéro 22 de Copie zéro, consacré à l'acteur, octobre 1984, p. 10-13.
91. Ce qui est l'inverse de la tradition hollywoodienne où la personne doit conformer sa vie privée aux rôles de l'écran. On n'aura ici qu'une application de ce principe lorsque Danielle Ouimet jouera à se prendre pour Valérie devant la presse potineuse.
92. Dans au moins 14 films, longs, moyens et courts métrages.
93. «Dossier canadien», Cahiers du cinéma, mars 1966, p. 67.
94. L'insertion d'éléments d'actualité avec les coupures de presse, la radio et la télévision, l'énoncé des livres à la mode chez les jeunes intellectuels, le reportage sur le congrès de majorettes, dans Le Chat dans le sac, en sont les illustrations les plus évidentes.
95. Denys Arcand, qui ne passera à la fiction qu'en 1970 (bien qu'ayant déjà scénarisé trois histoires et joué dans trois autres), dira plus tard à ce sujet: «Il est très difficile de passer du documentaire à la fiction, étant donné que la démarche du cinéaste de fiction, qui est celle d'un romancier, est presque toujours opposée à celle d'un documentariste, que l'on pourrait comparer à un essayiste. J'ai donc eu besoin de beaucoup de temps pour me sortir de la gangue du documentaire qui n'est pas, comme on l'a dit, une richesse. Je crois que c'est un handicap pour un cinéaste de fiction de venir du documentaire. Les vrais cinéastes de fiction partent avec des références comme les films de Fellini. Pour eux tout est possible. Nous, notre référence principale, c'est le coin de la rue. Nous nous sentons limités par la réalité alors que la fiction n'est pas la réalité. La fiction, c'est une invention qui doit être tellement géniale qu'elle arrive à rejoindre la réalité par l'autre côté de la sphère de la création. (24 images, 44-45, automne 1989, p. 52)
96. Je n'ai pu vérifier si elle se retrouve dans le générique des quelques longs métrages qui n'ont pas été étudiés.
97. Dans ce film, il est évident pour le chanteur Claude Gauthier, mais le jeune homme qui part de son village pour devenir artiste en ville, c'est aussi Denys Arcand, premier auteur du scénario, partant de Deschambault pour devenir cinéaste à Montréal...
98. Plusieurs réagissent contre ce fait dès le milieu des années 60. Les numéros spéciaux de Parti pris (avril 64) et de Liberté (mars-juin 1966) contiennent beaucoup d'articles où Carle, Godbout, Lamothe, entre autres, reconnaissent cette auto-censure. Retenons surtout de Fernand Dansereau: «Tous nos films de long métrage sont marqués au coin de l'ambiguïté et de l'incertitude. Le chant n'ose pas se reconnaître pour ce qu'il est. La vertu de spectacle n'est jamais suffisante. On la rogne. On hésite à aller au bout de son propos. Les confessions peuvent sembler débridées. Pourtant le souffle lyrique qui affleure n'ose jamais s'affirmer pleinement. La liberté n'y est pas.» (Liberté, p. 74) Et de Carle, au sujet de La vie heureuse de Léopold Z., répondant à la question «Que regrettez-vous dans votre film? – De m'en être tenu au minimum. Si je reprenais telle séquence aujourd'hui, j'essaierais de la pousser à bout, de la torturer, de la briser de façon à obtenir des éléments beaucoup plus forts.» (les «101 questions» dans Objectif, 35, p. 26). Ces pages étaient toutes écrites quand a paru, récemment, un article où Micheline Lanctôt prononçe un jugement très catégorique à ce sujet: «Je ne crois pas qu'on ait réalisé à quel point la production québécoise subit encore le poids de la tradition documentaire qui l'a engendrée. Cette tradition était nécessaire il y a vingt ans. Elle est devenue une entrave au plein épanouissement de l'imaginaire québécois. En effet, dans les documentaires, à de rares exceptions près, on ne fourre pas, on ne bat pas ses enfants, on n'assassine pas son voisin, on ne fantasme pas. La pudeur la plus élémentaire interdit que l'on se fasse le voyeur des passions intimes, des désirs infâmes, des drames secrets.» [...] Or donc, cette tradition en prise directe sur le monde effectue à notre insu un étranglement de l'imaginaire. On ne se permet de dire que ce qui est vrai ou cautionné par la réalité. Il n'y a pas longtemps qu'au plan sonore on se permet, dans les films québécois, de trafiquer un son, de pervertir un bruit, d'inventer une ambiance. Et ce n'est pas encore répandu au plan de l'image d'inventer la lumière en faisant fi de la source naturelle». Lumières, no 23, portant sur «Le risque du désir», été 1990, p. 29.
99. Fernand Dansereau dira en 1982: «Nous n'avions jamais apprivoisé les éléments du spectacle, nous ne savions rien de ses exigences» («Fernand Dansereau à la première personne», Nathalie Petrowski, Le Devoir, 4 septembre 1982).
100. Tout le cinéma subséquent de Jean-Claude Lord est déjà présent dans Trouble-fête.
101. Il faut toutefois signaler une tendance constante à l'abus de monologues en voix off et la tentation de toujours trop expliquer.
102. Selon Houle et Julien dans leur Dictionnaire du cinéma québécois, p. 294. Il est lancé au Saint-Denis.
103. Jean Pierre Lefebvre s'élève en 1965 contre l'adaptation: «Je trouve extrêmement dangereuse la course actuelle aux adaptations cinématographiques de livres canadiens (encore plus de livres étrangers, certes). Les cinéastes qui procèdent d'une telle façon partent d'une réalité (celle du livre et de ce qu'il décrit) plus ou moins achevée et aboutissent alors à une réalité préconçue qui ne vit pas librement. Je ne veux pas faire le procès du roman canadien; mais il manque à ce dernier ce que le cinéma pourrait trouver, le sens de la réalité globale, enracinée» (Objectif, 32, avril-mai 1965, p. 32). La dernière phrase étonne, quand on pense aux romans de Jasmin, de Jacques Godbout, de Jacques Renaud, d'André Major, qui viennent de sortir. Il faut ajouter ici que durant toute la période étudiée, il n'y eut que sept adaptations d'oeuvres littéraires: La canne à pêche, d'après un conte d'Anne Hébert; Les brûlés d'après Nuages sur les brûlés d'Hervé Biron; L'héritage, d'après le conte homonyme de Ringuet, qui donna aussi La douzième heure; les deux romans de Jasmin La corde au cou et Délivrez-nous du mal et Poussière sur la ville de Langevin. Quand à Caïn, d'après un roman «inédit» de Réal Giguère, on ne peut en prendre compte, ni de Valérie que Yves Thériault écrivit après la sortie du film pour des raisons alimentaires. De son côté, l'écrivain Marcel Godin se plaint, dans le spécial Liberté consacré au cinéma (no 44-45, mars-juin 1966) que l'on ne recourt pas assez aux écrivains pour les scénarios. Certains ont toutefois collaboré (Réginald Boisvert pour Il était une guerre, Marcel Dubé et Gérald Godin pour Entre la mer et l'eau douce, etc.; voir à ce sujet Littérature et cinéma québécois, p. 193-214.
104. Dans les «101 questions» d'Objectif, no 35, p. 25, Carle affirme que les intérieurs ont été tournés en octobre 1963. Le dossier de production à l'ONF parle de décembre.
105. Il existe toute une mythologie au sujet de ces films qui auraient détourné le mandat originel. Carle dit en interview: «C'était tout d'abord un documentaire sur la neige. Ensuite un film sur les déneigeurs. Ensuite un film de fiction de 45 minutes sur les déneigeurs. Ensuite un film d'une heure quinze sur quatre Montréalais et même plus particulièrement sur deux d'entre eux». (Cinéastes du Québec, no 2, réédition de 1976, p. 24). S'il est vrai que le projet initial prévoyait des courts métrages sur l'hiver, il s'est très rapidement, et dans la stricte légalité, avec le plein accord du producteur, transformé en films plus longs et de fiction.
106. Documents préparatoires aux Rencontres internationales pour un nouveau cinéma, tenues à Montréal en 1974, texte reproduit en partie sous le titre «Un cinéma colonisé» dans Cinéma Québec, 29-30, p. 81-83.
107. En 1982, dans une interview à Séquences, il affirmera: «À la réflexion, j'en suis arrivé à me dire – et d'autres avec moi – que le documentaire, en termes d'action dans un milieu populaire, c'est de la folie, parce que le langage populaire n'est jamais documentaire. Pour arriver à bien lire un documentaire, il faut avoir une formation de lettré, il faut savoir traiter l'information. Ce n'est pas ainsi que les peuples se racontent les choses importantes. Ils se les racontent à travers la fiction: les contes, l'épopés, l'histoire...» (no 110, octobre 1982, p. 9)
108. Voir surtout les textes de Jean Pierre Lefebvre et de Gilles Thérien dans la bibliographie accompagnant l'étude du film.
109. L'ONF avait tenté l'expérience de sortir Pour la suite du monde en salle – mais pas n'importe laquelle, puisque l'Empire se spécialisait dans le cinéma «art et essai» et attirait tout ce que Montréal pouvait compter de cinéphiles – après son passage à la télévision. Même dans ce lieu, l'expérience fut catastrophique.
110. Godbout n'a jamais adapté un de ses romans au cinéma.
111. Son personnage principal, un ingénieur français, exigeait à toutes fins utiles l'emploi d'un comédien français. Avec Alain Cuny que Dansereau emploie pour Le festin des morts, Denner est le seul acteur français utilisé durant la période étudiée.
112. Ce dont il convient d'ailleurs lui-même dans une interview à Séquences, dont un extrait est reproduit dans l'étude de Jusqu'au cou.
113. Interview dans Séquences, 48, février 1967, p. 61.
114. Interview dans Séquences, 57, avril 1969, p. 46.
115. Liberté, 44-45, mars-juin 1966, p. 24.
116. Les principaux produits de Coopératio (Trouble-fête, Cain, La corde au cou, Délivrez-nous du mal), sont diffusés au Saint-Denis où se retrouvent aussi À tout prendre, Pas de vacances pour les idoles et Le grand Rock. Les autres films pour les salles se retrouvent surtout au Parisien (La terre à boire, La vie heureuse de Léopold Z., Entre la mer et l'eau douce, Valérie), au Dauphin (YUL 871, Il ne faut pas mourir pour ça, Jusqu'au coeur) et à l'Élysée (Le révolutionnaire, Manette (la folle et les dieux de carton), Mon amie Pierrette, Kid sentiment) où on projette aussi Le règne du jour.
117. Il y a tout un monde entre À tout prendre et Mon oncle Antoine de Jutra, entre Le festin des morts et Thetford au milieu de notre vie de Dansereau, entre La neige a fondu sur la Manicouagan et Équinoxe d'Arthur Lamothe, entre Entre la mer et l'eau douce et Les ordres de Brault, entre St-Denis dans le temps et O.K.... Laliberté de Carrière.

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