L'Agence internationale de l'énergie atomique et le régime des garanties internationales de non-prolifération nucléaire

Sénat français - Commission des Affaires étrangère
C'est en 1953, à l'initiative du Président Eisenhower, qu'a été lancée l'idée d'un agence internationale chargée d'encourager l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques et de contrôler les matières nucléaires afin d'en prévenir l'usage militaire.

Les discussions engagées les années suivantes permirent de concrétiser ce projet. Le statut de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) était adopté à New-York le 26 octobre 1956 et entrait en vigueur le 29 juillet 1957.

L'AIEA est une organisation intergouvernementale autonome qui compte aujourd'hui 134 Etats membres. Bien que n'étant pas au sens strict une institution spécialisée des Nations-Unies, elle entretient avec l'ONU des liens étroits, au travers notamment des rapports qu'elle transmet chaque année à l'Assemblée générale et, le cas échéant, au Conseil de sécurité.

L'AIEA siège à Vienne. Une Conférence générale, composée de tous les Etats-membres, tient une réunion annuelle au mois de septembre, la direction de l'Agence relevant d'un Conseil des gouverneurs, composé de 35 Etats-membres, dont 13 sont désignés en leur qualité de pays les plus avancés dans le domaine nucléaire parmi tous les membres. Enfin, l'AIEA dispose d'un secrétariat permanent d'environ 2.200 agents.

Son statut assigne à l'AIEA deux objectifs fondamentaux :

- encourager et faciliter le développement et l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques, mission qui se traduit par des actions de coopération, de diffusion de technologies et de mise au point de standards de sûreté nucléaire ;

- garantir que les produits fissiles spéciaux (1) ne sont pas utilisés de manière à servir à des fins militaires.

Le rôle de l'AIEA dans la non-prolifération nucléaire a été conforté par le traité de non-prolifération (TNP). Négocié à partir de 1957, ce traité a été signé le 1er juillet 1968 et il est entré en vigueur le 5 mars 1970. En vertu de l'article III du traité (2), l'AIEA est chargée de contrôler l'usage pacifique des matières nucléaires dans les pays parties au traité qui ne sont pas dotés d'armes nucléaires.

Concrètement, ce contrôle de l'AIEA s'exerce dans le cadre d'accords de garanties qu'elle passe avec les différents pays concernés. C'est ce régime international de garanties que l'AIEA entend renforcer depuis une dizaine d'années, en vue de lutter plus efficacement contre la prolifération nucléaire.

A. LES ACCORDS DE GARANTIES DE L'AIEA

Le régime international de non-prolifération nucléaire repose sur un ensemble complexe de traités internationaux, complétés par des accords spécifiques à certains pays.

Au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) s'ajoutent les différents traités créant des zones exemptes d'armes nucléaires (3) et le traité sur l'interdiction complète des essais nucléaires, signé en 1996 mais non encore en vigueur. Par ailleurs, un certain nombre de pays exportateurs de technologies ou de matières nucléaires ont mis en place des régimes de contrôle à l'exportation (4). Enfin, des régimes spécifiques ont été mis en place dans deux cas particuliers : la Russie, en vue de faire face aux problèmes liés au démantèlement de l'arsenal nucléaire de l'ex-URSS, et la Corée du Nord.

Les accords de garanties et les contrôles de l'AIEA constituent également une pièce essentielle de la politique de non-prolifération nucléaire. Si 50 Etats parties au TNP n'en ont pas encore souscrit, l'objectif est bien d'atteindre une couverture universelle afin que chaque Etat du monde adhère au mécanisme de contrôle de l'usage des matières et installations nucléaires de l'AIEA.

1. Les principes généraux du régime de garanties internationales

Le régime des garanties internationales de non-prolifération a été créé avec l'AIEA, en 1957. Sa portée est restée dans un premier temps limitée, ces garanties ne s'appliquant à l'origine que dans trois cas : lorsqu'un pays recevait des matières nucléaires, du matériel ou toute autre aide par l'intermédiaire de l'AIEA, lorsqu'un accord bilatéral ou multilatéral prévoyait l'application des garanties et enfin lorsqu'un Etat demandait, à titre volontaire, à être soumis à ces garanties.

Ce régime des garanties n'a pris sa pleine signification qu'avec l'entrée en vigueur du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires en 1970.

Rappelons que ce traité oblige les Etats n'ayant pas fait exploser d'armes nucléaires au 1er janvier 1967 à ne pas fabriquer ou acquérir de telles armes. En application de l'article III, tout Etat non doté d'armes nucléaires qui est partie au TNP s'engage à ce que l'AIEA vérifie l'exécution de cette obligation. Ces Etats non dotés d'armes nucléaires ont contracté l'obligation de soumettre aux garanties de l'AIEA toutes leurs matières nucléaires, afin de donner l'assurance que ces matières ne seront pas « détournées vers des armes nucléaires ou d'autres dispositifs explosifs nucléaires ».

Des modèles d'accords de garanties généralisées ont été élaborés par des experts et adoptés par l'AIEA. Il s'agit, à travers ces modèles, d'établir un cadre juridique approprié et identique pour tous les signataires. Le dernier en date, l'INFCIRC/153, a été corrigé en 1983. En vue d'inciter le plus grand nombre d'Etats non dotés d'armes nucléaires à adhérer au régime de contrôle, il demeure, sur certains aspects, en retrait par rapport aux dispositions prévues dans les statuts de l'AIEA.

Ce modèle d'accords de garanties repose essentiellement sur l'analyse de la comptabilité des matières nucléaires déclarées. Il s'agit à la fois d'examiner les rapports comptables transmis par les pays signataires et de vérifier physiquement que ces rapports correspondent avec les matières présentes dans les installations déclarées.

2. Les différents types d'accords de garanties conclus sous l'égide de l'AIEA

Plus de 220 accords de garanties liant l'AIEA avec 140 Etats sont actuellement en vigueur.

La quasi-totalité des Etats (187) ont signé le TNP, mais environ 50 d'entre eux n'ont pas signé d'accords de garanties généralisées avec l'AIEA, alors même que le traité les oblige juridiquement à le faire. Il s'agit de pays peu développés n'ayant aucune activité nucléaire.

La très grande majorité des accords de garanties ont été conclus avec des Etats parties au TNP et non dotés d'armes nucléaires, certains de ces Etats n'étant d'ailleurs pas membres de l'AIEA. Ces Etats se sont en principe engagés à déclarer l'ensemble de leurs matières et de leurs activités nucléaires à l'AIEA, et à se soumettre à son contrôle. On parle pour cette raison d'accords de garanties « généralisées ».

Les quatre pays non signataires du TNP, Cuba (5), l'Inde, le Pakistan et Israël, ont signé néanmoins avec l'AIEA des accords de garanties spécifiques dits « d'installation », qui existaient antérieurement au TNP et ont perduré jusqu'à aujourd'hui. A Cuba, les accords d'installation en vigueur tiennent lieu de facto d'accords de garanties généralisées, l'ensemble des activités nucléaires du pays étant placées sous garanties. En revanche, en Inde, au Pakistan et en Israël, seules certaines installations et les matières qui y sont détenues sont contrôlées par l'AIEA. Les installations ou productions à vocation militaire ou mixte, civile et militaire, échappent à ce contrôle.

Enfin, les cinq puissances nucléaires reconnues ont elles aussi signé des accords de garanties, mais sur une base volontaire toutefois, puisque leur statut d'Etat doté d'armes nucléaires établi par le TNP les exonère par définition de toute obligation de contrôle. Dans le cadre de ces accords, chaque Etat a choisi les installations et les matières nucléaires qu'il soumet aux garanties de l'AIEA. Ce choix peut être dicté par considérations de coopération internationale, les accords bilatéraux prévoyant généralement que les matières nucléaires transférées seront soumises aux garanties de l'AIEA, dans une optique de non-prolifération. Parmi les installations et matières soumises aux garanties, l'AIEA désigne celles qu'elle entend inspecter. Il s'agit là aussi le plus souvent d'installations ou matières fournies par des Etats tiers ou liées à une coopération internationale, par exemple dans les cas de retraitement de combustibles irradiés ou de fourniture de services de fabrication de combustibles neufs.


B. LE PROGRAMME DE RENFORCEMENT DES GARANTIES

Tel que défini dans les années qui suivirent la création de l'AIEA, le modèle qui a inspiré les accords de garantie limitait les possibilités de vérification vis à vis d'un Etat dissimulant des matières nucléaires, des installations ou des programmes pouvant dériver vers un usage militaire. L'Irak et la Corée du nord, engagés envers l'AIEA par des accords de garanties, ont constitué les illustrations les plus marquantes des insuffisances du régime international de contrôle.

Un programme ambitieux de renforcement du régime des garanties, dit programme « 93+2 » a été défini en 1993. C'est dans le cadre de sa mise en oeuvre que les Etats signataires d'un accord de garanties sont incités à souscrire un protocole additionnel plus contraignant.

1. L'insuffisance des accords de garanties

Dans le cadre des accords de garanties généralisées, les prérogatives des inspecteurs de l'AIEA, lors des inspections régulières, se sont révélées considérablement limitées, notamment en matière d'accès aux informations et aux différentes installations. Par ailleurs, les inspections spéciales prévues par ces accords et supposées beaucoup plus intrusives n'avaient quant à elles jamais été mises en oeuvre. Ces accords de garanties permettaient essentiellement à l'AIEA de vérifier le non détournement des matières soumises à son contrôle, mais en aucun cas de vérifier l'exhaustivité et l'exactitude des déclarations des Etats.

Ces insuffisances sont apparues au grand jour à propos des activités nucléaires de l'Irak et de la Corée du nord. Ces deux pays sont parties au TNP et ont souscrit un accord de garanties généralisées avec l'AIEA. Toutefois, cette dernière ne pouvait vérifier que les matières nucléaires déclarées dans les activités nucléaires déclarées.

Dans le cas de l'Irak, signataire d'un accord de garanties entré en vigueur en 1972, c'est grâce aux pouvoirs exceptionnels conférés par la résolution 687 du Conseil de sécurité des Nations Unies, adoptée au lendemain de la guerre du Golfe, que inspecteurs de l'AIEA ont pu déceler, à partir du printemps 1991, les éléments d'un ambitieux programme nucléaire militaire dont l'existence n'était pas soupçonnée jusqu'alors. L'Irak n'avait pas déclaré un certain nombre d'installations et de matières destinées à un programme nucléaire militaire. En conséquence, les vérifications effectuées jusqu'alors dans le cadre de l'accord de garanties étaient inopérantes.

En ce qui concerne la Corée du Nord, dont l'accord de garanties a été signé en 1985 et n'est entré en vigueur qu'en 1992, c'est l'exactitude et l'exhaustivité de sa déclaration initiale des matières nucléaires qui restent sujette à caution, l'AIEA n'ayant pas les moyens de les vérifier.

Afin de pallier les insuffisances juridiques du dispositif résultant des accords de garanties, des mesures d'urgence ont été adoptées en 1992 par le Conseil des gouverneurs de l'AIEA. Ces mesures portaient sur trois points :

- l'obligation de déclarer une nouvelle installation nucléaire 180 jours avant le début des travaux de construction, et non, comme auparavant, 180 jours avant la première introduction de matières nucléaires ;

- la notification à l'AIEA des importations et exportations de matières nucléaires, ainsi que la transmission d'informations sur les exportations de certains équipements nucléaires et de matières non-nucléaires spécifiques ;

- le recours effectif aux inspections spéciales dans les installations déclarées ou non déclarées.

2. Le programme « 93+2 »

Ces mesures d'urgence n'étaient pas suffisantes et le secrétariat de l'AIEA a travaillé, à partir de 1993, à un programme plus ambitieux de renforcement des garanties.

L'objectif était de pouvoir établir pour la conférence d'examen du TNP de 1995 un dispositif plus complet et plus efficace, donnant des assurances plus crédibles en matière de non-prolifération.

Ce programme de renforcement des garanties a été baptisé « 93+2 » et comporte deux objectifs fondamentaux :

- renforcer les capacités de l'AIEA à détecter des activités clandestines et des matières nucléaires non déclarées dans des Etats non dotés d'armes nucléaires ;

- augmenter l'efficacité et le rendement des garanties.

Le programme « 93+2 » a été scindé en deux parties.

La première partie comporte les mesures pouvant être mises en oeuvre sans modification du cadre juridique existant.

Il s'agit de la déclaration d'une nouvelle installation six mois avant le début des travaux, de la déclaration de fermeture d'une installation, de l'analyse d'échantillons dans l'environnement des installations contenant des matières, de la télésurveillance des mouvements de matières (portiques de mesure, cameras vidéo), de la mise en oeuvre d'inspections inopinées ou encore d'une meilleure utilisation des systèmes nationaux de comptabilité et de contrôle des matières nucléaires. Toutes ces mesures ont fait l'objet d'une approbation par le Conseil des gouverneurs de l'AIEA.

La seconde partie comporte les mesures dont la mise en oeuvre nécessitait de doter l'AIEA de nouveaux pouvoirs juridiques. A cette fin, un modèle de protocole additionnel aux accords de garanties a été élaboré.

3. Le modèle de protocole additionnel

Le Conseil des gouverneurs de l'AIEA a adopté le 15 mai 1997 le modèle de protocole additionnel intitulé INFCIRC/540.

L'élaboration de ce texte s'est avérée plus longue que prévue, compte tenu de la grande diversité des préoccupations des différents pays concernés.

Certains pays disposant d'activités nucléaires civiles importantes, comme le Japon, l'Allemagne, le Canada, l'Espagne ou la Belgique, ne souhaitaient pas que leur industrie soit pénalisée par un surcroît de charges d'inspection et veillaient à éviter des discriminations supplémentaires par rapport aux cinq puissances nucléaires reconnues et aux Etats « du seuil », c'est à dire l'Inde, le Pakistan et Israël.

D'autres pays disposant d'activités nucléaires redoutaient que le renforcement des tâches d'inspection et de contrôle de la non-prolifération détourne l'AIEA de ses autres missions, en particulier l'assistance technique.

Les Etats-Unis poussaient au contraire dans le sens de pouvoirs de contrôle et d'inspection beaucoup plus étendus.

Le texte final résulte d'un compromis. Il ne donne pas un caractère systématique aux accès complémentaires accordés aux inspecteurs et il insiste sur le caractère qualitatif, et non uniquement comptables, des informations supplémentaires demandées. Par ailleurs, l'AIEA s'est engagée à ne pas superposer les mesures nouvelles aux mesures anciennes, selon le principe de « l'intégration » des garanties : dès lors que des assurances suffisantes d'absence d'activités et de matières non déclarées seront obtenues, les garanties classiques sur les matières seront allégées.

Le modèle de protocole a été conçu pour les Etats non dotés d'armes nucléaires, qui constituent l'essentiel des Etats ayant souscrit des accords de garanties. Il a vocation à inspirer d'éventuels protocoles avec les Etats non parties au TNP et a servi de base pour la négociation de protocoles additionnels avec les Etats dotés d'armes nucléaires, dont la France.

Les pays non dotés d'armes nucléaires qui souscriront un protocole additionnel devront fournir à l'AIEA des informations beaucoup plus nombreuses qu'auparavant, afin que celle-ci dispose d'une vue d'ensemble de leur programme nucléaire. Ces informations couvriront notamment certaines activités n'impliquant pas de matières nucléaires qui échappaient jusqu'alors à l'application des garanties.

Si l'AIEA détecte des contradictions dans les informations fournies, elle pourra mener des inspections, non seulement dans les installations en fonctionnement, mais également dans des lieux où elle n'avait pas accès jusqu'alors comme des réacteurs arrêtés, des centres de recherche ou encore des usines fabriquant des produits susceptibles de servir à un programme nucléaire. Les inspecteurs pourront se livrer à des activités d'observation et effectuer des mesures ou des échantillonnages. Les prélèvements dans l'environnement permettront de déceler des traces éventuelles d'activités clandestines.

Sans lui donner des pouvoirs aussi étendus que ceux dont elle disposait en Irak sur la base de résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, le modèle de protocole additionnel permettra à l'AIEA de renforcer ses moyens de contrôle. Sans garantir la prévention absolue d'un éventuel programme nucléaire militaire clandestin, il favorisera la collecte d'informations de nature à établir de fortes présomptions sur l'existence de telles activités clandestines.

En résumé, les Etats qui concluent un protocole additionnel s'engagent à fournir une large gamme d'informations sur tous les aspects du cycle du combustible nucléaire et de leurs activités liées au nucléaire, et à accorder un droit d'accès plus étendu aux inspecteurs de l'AIEA. Grâce à ce contrôle plus étendu, l'AIEA doit pour sa part être en mesure de donner des assurances crédibles non seulement quant au non détournement de matières nucléaires non déclarées, mais aussi quant à l'absence de matières et d'activités nucléaires non déclarées.


L'ACTION DE L'AIEA EN IRAN, EN IRAK ET EN COREE DU NORD

IRAN

Les activités nucléaires de l'Iran, pays par ailleurs largement doté en ressources en hydrocarbures, provoquent de longue date la suspicion des Etats-Unis qui considèrent que l'objectif de Téhéran est moins la recherche de l'indépendance énergétique que la mise au point de l'arme nucléaire. La construction, dans le sud du pays, de la centrale de Bouchehr, qui pourrait permettre la production de plutonium et dont l'approvisionnement en combustible nucléaire est prévu fin 2003, pour un démarrage du premier réacteur en 2004, est actuellement au centre d'une vive controverse. Les Etats-Unis pressent la Russie d'interrompre sa coopération avec l'Iran sur ce chantier.

L'AIEA mène régulièrement en Iran des activités d'inspection, conformément à l'accord de garanties généralisées souscrit par ce pays. Sur la base de ses vérifications, elle n'a pas d'indication que l'Iran ne respecte pas ses engagements internationaux.

Pour autant, l'activité de l'AIEA ne porte que sur les matières nucléaires déclarées dans les installations nucléaires déclarées. L'Iran n'ayant pas signé de protocole additionnel à son accord de garanties, l'AIEA n'est pas en mesure de détecter d'éventuelles activités clandestines ou matières nucléaires non déclarées dans ce pays.

IRAK

Depuis la fin de la guerre du Golfe et la destruction des moyens dont s'était doté l'Irak pour fabriquer un engin nucléaire explosif, il ne reste en principe dans ce pays que les matières nucléaires déclarées par les autorités irakiennes (uranium appauvri, naturel ou légèrement enrichi), conformément à l'accord de garanties généralisées qui lie ce pays à l'AIEA. Ces matières ont été mises sous scellés par l'AIEA qui procède chaque année à leur inspection. La dernière inspection a eu lieu en janvier 2002 et l'AIEA a pu vérifier à cette occasion la présence des matières et l'intégrité des scellés.

Ces inspections menées au titre de l'accord de garanties sont indépendantes de celles effectuées en application des résolutions du Conseil de sécurité des Nations-Unies qui sont pour leur part interrompues depuis décembre 1998. Comme le souligne l'AIEA, les inspections actuelles ne permettent donc pas d'affirmer que l'Irak respecte les obligations qui lui incombent en vertu des résolutions.

Rappelons que le Conseil de Sécurité a créé, par sa résolution 687 du 3 avril 1991, une Commission spéciale (UNSCOM) chargée de désarmer l'Irak de ses armes de destruction massive (armes chimiques et biologiques et missiles de portée supérieure à 150 kilomètres) et de mettre en oeuvre un système de contrôle et de vérification. C'est à l'UNSCOM qu'il revenait de désigner au groupe d'action de l'AIEA, à des fins d'inspection, des emplacements supplémentaires non déclarés par l'Irak. En application de la résolution 1284 du 17 décembre 1999, une Commission de contrôle, de vérification et d'inspection des Nations-Unies (COCOVINU), a remplacé l'UNSCOM et poursuit le mandat de cette dernière.

L'AIEA, dont l'action concerne le volet nucléaire, a établi des relations de travail avec la COCOVINU, dite commission Blix, du nom de son Président exécutif.

La reprise des activités de vérification de l'AIEA en Irak conformément aux résolutions du Conseil de sécurité, et avec l'assistance et la coopération de la commission Blix, était jusqu'à présent suspendue à l'acceptation par l'Irak du retour sans condition des équipes d'inspecteurs internationaux.

Les gouvernements américains et britanniques mettent en exergue la capacité de l'Irak à reprendre rapidement un programme nucléaire militaire et à élaborer un engin explosif dans un délai d'un à deux ans dès lors que le régime de Bagdad parviendrait à se procurer les matières fissiles nécessaires.

La question du retour des inspecteurs et celle d'une action coercitive, avalisée ou non par le Conseil de sécurité, sont actuellement au coeur du débat international sur l'Irak.

COREE DU NORD

L'AIEA se déclare toujours dans l'impossibilité de vérifier l'exactitude et l'exhaustivité de la déclaration initiale établie par la Corée du Nord au titre de son accord de garanties. Cet accord n'est entré en vigueur que tardivement, en 1992, alors que la Corée du Nord disposait déjà d'un réacteur de recherche à Yongbyon et que deux réacteurs supplémentaires étaient en construction, ainsi que des installations dont la vocation militaire, au regard de la description qui en a été faite par les autorités nord-coréennes, paraît aujourd'hui avérée.

Selon l'AIEA, les travaux requis pour vérifier que toutes les matières nucléaires devant être soumises aux garanties ont été déclarées et effectivement soumises aux garanties pourraient prendre de trois à quatre ans, à condition que la Corée du Nord coopère pleinement, ce qui n'est toujours pas le cas.

Le déchargement des combustibles irradiés du réacteur de Yongbyon, en 1994, a été opéré hors de tout contrôle de l'AIEA. Instaurée après coup, la surveillance par cette dernière des combustibles irradiés entreposés en piscine et du gel des installations suspectes ne donne aucune indication tangible sur l'existence de matières soustraites au contrôle, voire sur l'existence d'autres installations clandestines (par exemple de retraitement). L'AIEA n'a toujours pas reçu des autorités nord-coréennes l'autorisation de mesurer sur place les combustibles irradiés pour en déterminer le contenu, ni plus généralement d'effectuer des inspections sur le territoire nord-coréen dans le cadre de l'accord de garanties.

L'AIEA considère que la Corée du Nord continue de ne pas respecter son accord de garanties, qui est en vigueur et a force obligatoire. Elle ne peut donc pas conclure à l'absence de détournement de matières nucléaires.

Aujourd'hui, les autorités nord-coréennes semblent conditionner leur pleine coopération à la livraison en 2003 par la KEDO (Korean Energy Development Organization), des composants principaux des deux réacteurs à eau légère qu'il est prévu de substituer au réacteur plutonigène de Yongbyon, arrêté en 1993.

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