L'expédition de Lewis & Clark

Jean-Pierre Bonhomme
A travers son récit sous-titré «L'expédition de Lewis&Clark» et la naissance d'une nouvelle puissance», c'est tout autant la nécessaire participation canadienne-française à cette même expédition que célèbre l'historien Denis Vaugeois, que le courage et la sagacité de ses dirigeants anglo-américains.
Saint-Louis, Missouri; Louisville Kentucky, le lac Saint-Louis, Québec, ce sont toutes des évocations, parmi tant d'autres, de ce fameux Louis IX, de ce roi, de ce saint qui représente les meilleures aspirations des deux France (l'Ancienne et la Nouvelle): c'est-à-dire les valeurs de la croyance, de l'espérance et de la persévérance; de la convivialité et de la droiture aussi.
Ce ne sont pas tous les Américains de la grande Amérique du Nord, surtout pas ceux de la République voisine, qui se souviennent de l'importance de ce roi et de ces vertus françaises, transmises dans le cœur de ces extraordinaires explorateurs continentaux qu'étaient nos ancêtres; vertus qui ont permis d' ouvrir la voie vers l'Ouest.

Nous avons bien, ici, une vague idée du périple canadien vers les Rocheuses, celui de la famille La Vérendrye et de la percée du Père Marquette vers la Nouvelle-Orléans; mais savons-nous vraiment que les Français de la vallée du Saint-Laurent, devenus plus ou moins Canadiens, et ceux de la Nouvelle-Orléans ont exploré, parcouru, occupé tout l'intérieur continental américain à partir de Saint-Louis, cette Porte de l'Ouest , située sur le Mississipi, à l'embouchure du Missouri? Et ce bien avant que les colonies anglaises n'envoient leurs propres explorateurs en la personne des célèbres Lewis and Clark se promener dans les portages?

Or c'est bien ce que nous rappelle avec amour et avec précision l'historien Denis Vaugeois dans son nouvel ouvrage America. Les citoyens des États-Unis, ceux d'aujourd'hui comme ceux d'hier, sont convaincus que, par le moyen de l'expédition de Lewis et Clark, commandée par le président Jefferson, et qui s'est déroulée de 1804 à 1806, d'avoir été les premiers à découvrir l'Ouest. Il est vrai que cette vaillante troupe américaine a trouvé des pistes pratiques pour franchir les Rocheuses et que l'aventure s'est légitimement transformée en mythe fondateur des États-Unis…

Mais il y a un mais! Denis Vaugeois, lui, se souvient. A travers son récit sous-titré «L'expédition de Lewis&Clark» et la naissance d'une nouvelle puissance», c'est tout autant la nécessaire participation canadienne-française à cette même expédition qu'il célèbre que le courage et la sagacité de ses dirigeants anglo-américains.


De cent manières palpitantes, en effet, Vaugeois nous fait découvrir comment nos ancêtres explorateurs et commerçants avaient pu, avaient voulu entrer en relation étroite et personnelle avec les douzaines de bandes indiennes qui se trouvaient au milieu du continent à cette époque. Et que, sans eux, sans leur capacité de parler les langues des autochtones, Lewis&Clark n'en seraient probablement pas sortis vivants; ce n'est pas à cause d'eux non plus, devinons-nous ainsi dans l'ouvrage que les peuples indiens ont été si cruellement décimés, éliminés des cartes géographiques. L’auteur nous indique aussi, plus ou moins directement, que les récits américains de ces voyages n'ont pas toujours souligné l'importance de la contribution de nos fameux voyageurs; les explorateurs des colonies américaines les percevant comme des ennemis alliés aux Indiens et, à un autre moment, comme de simples agents de l'Empire britannique ­ après la cession du Canada aux Anglais…

L'ouvrage de Denis Vaugeois a cet autre mérite d'offrir aux Québécois d'aujourd'hui et aux Français de France eux-mêmes, par le chemin de cette expédition des Lewis & Clark, une vue d'ensemble de l'Amérique du Nord et une description des forces complexes en présence au moment de la fondation des États-Unis.

Quant à la présence française actuelle ­ aujourd'hui on dirait québécoise ­ au milieu du continent, il n'en reste que des traces. Mais elles sont là; je les ai vues au fort de Chartres, à Sainte-Geneviève et à Cahokia dans les environs de Saint-Louis. En nous parlant de ces racines-là, documents pertinents à l'appui, Vaugeois fait œuvre essentielle. Il donne certes à tous les descendants de la Nouvelle-France la possibilité de trouver une place identitaire de premier ordre dans ce grand continent nord-américain; la place de gens intérieurement forts et ouverts sur le monde.

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