De la culture de l'âme

Emmanuel Kant

Extrait du Traité de pédagogie, d'après la traduction de Jules Barni (1886)

Sommaire. — Culture libre et culture scolaire. — Du travail. — De la hiérarchie des facultés dans l'éducation. — Culture de la mémoire. — Unir dans l'instruction le savoir et le pouvoir. — De la grammaire.


Nous arrivons maintenant à la culture de l'âme, que d'une certaine manière on peut aussi appeler physique. Il faut bien distinguer la nature et la liberté. Donner des lois à la liberté est tout autre chose que de cultiver la nature. La nature du corps et celle de l'âme s'accordent en cela qu'en les cultivant on doit chercher à les empêcher de se gâter, et que l'art ajoute quelque chose encore à l'une comme à l'autre.

On peut donc dans un certain sens appeler physique la culture de l'âme, tout aussi bien que celle du corps.

Cette culture physique de l'âme se distingue de la culture morale en ce qu'elle se rapporte à la nature, tandis que l'autre se rapporte à la liberté. Un homme peut être physiquement très cultivé; il peut avoir l'esprit très orné, mais manquer de culture morale, et être un méchant homme.

Il faut distinguer la culture physique de la culture pratique, qui est pragmatique ou morale. Cette dernière a plutôt pour but de moraliser l'homme que de le cultiver.

Nous diviserons la culture physique de l'esprit en libre et en scolaire. La culture libre n'est en quelque sorte qu'un jeu, tandis que la culture scolaire est une affaire sérieuse. La première est celle qui a lieu naturellement chez l'élève; dans la seconde, il peut être considéré comme soumis à une contrainte. On peut s'occuper en jouant, cela s'appelle occuper ses loisirs; mais on peut aussi s'occuper par force, et cela s'appelle travailler. La culture scolaire sera donc un travail pour l'enfant, et la culture libre un jeu.

On a esquissé divers plans d'éducation pour chercher, ce qui est en effet très louable, quelle est la meilleure méthode d'éducation. On a imaginé, entre autres, de laisser les enfants tout apprendre, comme dans un jeu. Lichtenberg, dans un numéro du Magasin de Gœttingue, se moque de l'opinion de ceux qui veulent qu'on cherche à tout faire faire aux enfants sous forme de jeux, tandis qu'on devrait les accoutumer de très bonne heure à des occupations sérieuses, puisqu'ils doivent entrer un jour dans la vie sérieuse. Cela produit un effet détestable. L'enfant doit jouer, il doit avoir ses heures de récréation, mais il doit aussi apprendre à travailler. Il est bon sans doute d'exercer son habileté, comme de cultiver son esprit, mais ces deux espèces de culture doivent avoir leurs heures différentes. C'est déjà d'ailleurs un assez grand malheur pour l'homme que d'être si enclin à la paresse. Plus il s'est livré à ce penchant, plus il lui est ensuite difficile de se décider à travailler.

Dans le travail l'occupation n'est pas agréable par elle-même, mais on l'entreprend en vue d'autre chose. L'occupation du jeu est agréable en soi, sans qu'on ait besoin de s'y proposer aucun but. Veut-on se promener, la promenade même est le but, et c'est pourquoi plus la course est longue, plus elle nous est agréable. Mais veut-on aller quelque part, c'est que la société qui se trouve en ce lieu, ou quelque autre chose est le but de notre course, et alors nous choisissons volontiers le chemin le plus court. Ce qui précède s'applique au jeu de cartes. Il est vraiment singulier de voir comment des hommes raisonnables sont capables de rester assis et de mêler des cartes pendant des heures entières. Cela montre bien que les hommes ne cessent pas si aisément d'être enfants. Car en quoi ce jeu est-il supérieur au jeu de balle des enfants? Il est vrai que les grandes personnes ne vont pas à cheval sur des bâtons, mais elles n'en n'ont pas moins d'autres dadas.

Il est de la plus grande importance d'apprendre aux enfants à travailler. L'homme est le seul animal qui soit voué au travail. Il lui faut d'abord beaucoup de préparation pour en venir à jouir de ce qui est nécessaire à sa conservation. La question de savoir si le Ciel ne se serait pas montré beaucoup plus bienveillant à notre égard, en nous offrant toutes choses déjà préparées, de telle sorte que nous n'aurions plus besoin de travailler, cette question doit certainement être résolue négativement, car il faut à l'homme des occupations, même de celles qui supposent une certaine contrainte. Il est tout aussi faux de s'imaginer que, si Adam et Ève étaient restés dans le paradis, ils n'eussent fait autre chose que demeurer assis ensemble, chanter des chants pastoraux et contempler la beauté de la nature. L'oisiveté eût fait leur tourment tout aussi bien que celui des autres hommes.

Il faut que l'homme soit occupé de telle sorte que, tout rempli du but qu'il a devant les yeux, il ne se sente pas lui-même, et le meilleur repos pour lui est celui qui suit le travail. On doit donc accoutumer l'enfant à travailler. Et où le penchant au travail peut-il être mieux cultivé que dans l'école? L'école est une culture forcée. C'est rendre à l'enfant un très mauvais service que de l'accoutumer à tout regarder comme un jeu. Il faut sans doute qu'il ait ses moments de récréation, mais il faut aussi qu'il ait ses moments de travail. S'il n'aperçoit pas d'abord l'utilité de cette contrainte, il la reconnaîtra plus tard. Ce serait en général donner aux enfants des habitudes de curiosité indiscrète, que de vouloir toujours répondre à leurs questions: Pourquoi cela? A quoi bon? L'éducation doit être forcée, mais cela ne veut pas dire qu'elle doive traiter les enfants comme des esclaves.

Pour ce qui est de la libre culture des facultés de l'esprit, il faut remarquer qu'elle continue toujours. Elle doit avoir particulièrement en vue les facultés supérieures. On cultivera en même temps les inférieures, mais seulement en vue des supérieures, l'esprit, par exemple, en vue de l'intelligence. La règle principale à suivre ici, c'est de ne cultiver isolément aucune faculté pour elle-même, mais de cultiver chacune en vue des autres, par exemple l'imagination au profit de l'intelligence.

Les facultés inférieures n'ont par elles seules aucune valeur. Qu'est-ce, par exemple, qu'un homme qui a beaucoup de mémoire, mais peu de jurement? Ce n'est qu'un lexique vivant. Ces sortes de bêtes de somme du Parnasse sont d'ailleurs fort utiles; car, si elles ne peuvent elles-mêmes rien produire de raisonnable, elles apportent des matériaux avec lesquels d'autres peuvent faire quelque chose de bon. — L'esprit ne fait que des sottises, quand il n'est pas accompagné de jugement. L'entendement est la connaissance du général. L'imagination est l'application du général au particulier. La raison est la faculté d'apercevoir la liaison du général avec le particulier. Cette libre culture continue son cours à partir de l'enfance jusqu'au moment où cesse pour le jeune homme toute éducation. Quand, par exemple, un jeune homme parle d'une règle générale, on peut lui faire citer des cas tirés de l'histoire ou de la Fable, où elle est déguisée, des passages de poètes où elle est exprimée, et lui donner ainsi l'occasion d'exercer son esprit, sa mémoire, etc.

La maxime tantum scimus quantum memoria tenemus 1 a sans doute sa vérité, et c'est pourquoi la culture de la mémoire est très nécessaire. Les choses sont ainsi faites que l'entendement suit d'abord les impressions sensibles et que la mémoire doit les conserver. C'est ce qui arrive, par exemple, pour les langues. On peut les apprendre en suivant une méthode formelle, ou bien par la conversation, et cette dernière méthode est la meilleure en fait de langues vivantes. L'étude des vocables est certainement nécessaire, mais les enfants les apprennent bien mieux quand ils les rencontrent dans un auteur qu'on leur fait lire. Il faut que la jeunesse ait sa tâche fixe et déterminée. De même on apprend surtout la géographie au moyen d'un certain mécanisme. La mémoire aime particulièrement ce mécanisme, et dans une foule de cas il est aussi très utile. On n'a encore trouvé jusqu'ici aucun mécanisme propre à faciliter l'étude de l'histoire; on a bien essayé de certains tableaux, mais cela ne paraît pas avoir de très bons effets. L'histoire est un moyen excellent d'exercer l'entendement à bien juger. La mémoire est très nécessaire, mais il n'est pas bon d'en faire un simple exercice pour les enfants, par exemple de leur faire apprendre des discours par coeur. Dans tous les cas cela ne sert qu'à leur donner plus de hardiesse, et la déclamation d'ailleurs est une chose qui ne convient qu'à des hommes. Ici se placent toutes les choses que l'on n'apprend qu'en vue d'un futur examen ou pour les oublier ensuite, in futuram oblirionem. On ne doit occuper la mémoire que de choses que l'on est intéressé à conserver et qui ont du rapport à la vie réelle. La lecture des romans est une très mauvaise chose pour les enfants, car ils ne servent qu'à les amuser dans le moment où ils les lisent. Elle affaiblit la mémoire. Il serait en effet ridicule de vouloir les retenir et les raconter aux autres. Il faut retirer tous les romans des mains des enfants. En les lisant, ils se font à eux-mêmes dans le roman un roman nouveau, car ils en arrangent autrement les circonstances, et, laissant ainsi errer leur esprit, se repaissent de chimères.

Les distractions ne doivent jamais être tolérées, au moins dans l'école, car elles finissent par dégénérer en un certain penchant, en une certaine habitude. Aussi les plus beaux talents se perdent-ils chez un homme qui est sujet à la distraction. Quoique les enfants se distraient dans leurs récréations, ils se recueillent bientôt de nouveau; mais on les voit surtout distraits, lorsqu'ils méditent quelque mauvais coup, car ils songent comment ils pourront le cacher ou le réparer. Ils n'entendent alors qu'à moitié, ils répondent tout de travers, ils ne savent pas ce qu'ils lisent, etc.

Il faut cultiver la mémoire de bonne heure, mais en ayant soin de cultiver en même temps l'intelligence.

On cultivera la mémoire : 1° en lui donnant à retenir les noms qui entrent dans les récits; 2° par la lecture et l'écriture; il faut exercer les enfants à lire de tête et sans avoir recours à l'épellation; 3° par les langues, que les enfants doivent apprendre en les entendant, avant d'en venir à en lire quelque chose. Ce que l'on appelle un orbis pictus, quand il est convenablement fait, rend alors les plus grands services, et l'on peut commencer par la botanique, par la minéralogie, et par la physique générale. Pour en retracer les objets, il faut apprendre à dessiner et à modeler, et pour cela on a besoin des mathématiques. Les premières connaissances scientifiques doivent surtout avoir pour objet la géographie, aussi bien mathématique que physique. Les récits de voyages, expliqués par des planches et des cartes, conduiront ensuite à la géographie politique. De l'état actuel de la surface de la terre, on remontera à son état primitif, et l'on arrivera à la géographie et à l'histoire anciennes, etc.

Mais il faut chercher à unir insensiblement dans l'instruction de l'enfant le savoir et le pouvoir. Entre toutes les sciences les mathématiques paraissent être le seul moyen d'atteindre parfaitement ce but. En outre, il faut unir la science et la parole (la facilité d'élocution, l'art de bien dire, l'éloquence). Mais il faut aussi que l'enfant apprenne à distinguer parfaitement la science de la simple opinion et de la croyance. On formera ainsi un esprit juste, et un goût juste aussi, sinon fin ou délicat. Le goût que l'on cultivera sera d'abord celui des sens, surtout des yeux, et enfin celui des idées.

Il doit y avoir des règles pour tout ce qui peut cultiver l'entendement. Il est même très utile de les abstraire, afin que l'entendement ne procède pas d'une manière seulement mécanique, mais qu'il ait conscience de la règle qu'il suit.

Il est aussi très bon de déposer les règles dans de certaines formules et de les confier ainsi à la mémoire. Avons-nous la règle dans la mémoire, et oublions-nous de l'appliquer, nous ne tardons pas du moins à la retrouver. La question est ici de savoir s'il faut commencer par étudier les règles in abstracto, ou si on ne doit les apprendre qu'après qu'on en possède bien l'usage; ou bien faut-il faire marcher ensemble les règles et l'usage? Ce dernier parti est le seul sage. Dans l'autre cas, l'usage demeure très incertain, tant que l'on n'est pas arrivé aux règles. Il faut aussi à l'occasion ranger les règles par classes, car on ne les retient pas, lorsqu'elles ne sont pas liées entre elles. La grammaire prendra donc nécessairement les devants à quelques égards dans l'étude des langues.




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Sommaire. — Culture générale et culture particulière des facultés de l’esprit. — Des cartes géographiques. — Le meilleur moyen de comprendre, c'est de faire. — Méthode socratique. — Que la culture de la sensibilité doit être négative. — De la patience. — De la conduite a tenir à l'égard des jeunes enfants. — De l'esprit d'ordre. — De l’obéissance. — Des punitions. — De la véracité.- De la sociabilité. — De l'humeur qui convient à l'enfant.

Nous devons donner aussi une idée systématique de tout le but de l'éducation et de la manière de l'atteindre.

Culture générale des facultés de l'esprit, qu'il faut bien distinguer de la culture particulière. Elle a pour but l'habileté et le perfectionnement; ce n'est pas qu'elle apprenne quelque chose de particulier à l'élève, mais elle fortifie les facultés de son esprit. Elle est :

a) ou physique. Ici tout dépend de la pratique et de la discipline, sans que l'enfant ait besoin de connaître aucune maxime. Elle est passive pour le disciple, qui doit suivre la direction d'autrui. D'autres pensent pour lui.

b) ou morale. Elle ne repose pas alors sur la discipline, mais sur des maximes. Tout est perdu, si l'on veut la fonder sur l'exemple, les menaces, les punitions, etc. Elle ne serait alors que pure discipline. Il faut faire en sorte que l'élève agisse bien d'après ses propres maximes et non par habitude, et qu'il ne fasse pas seulement le bien, mais qu'il le fasse parce que c'est le bien. Car toute la valeur morale des actions réside dans les maximes du bien. L'éducation physique et l'éducation morale se distinguent en ce que la première est passive pour l'élève, tandis que la seconde est active. Il faut qu'il aperçoive toujours le principe de l'action et le lien qui la rattache à l'idée du devoir.

Culture particulière des facultés de l'eprit. Ici se présente la culture des facultés de connaître, des sens, de l'imagination, de la mémoire, de l'attention et de ce qu'on nomme l'esprit. Nous avons déjà parlé de la culture des sens, par exemple de la vue. Pour ce qui est de celle de l'imagination, il faut remarquer une chose, c'est que les enfants ont une imagination extrêmement puissante, et qu'elle n'a pas besoin d'être davantage tendue et étendue par des contes. Elle a bien plutôt besoin d'être gouvernée et soumise à des règles, mais il ne faut pas pour cela la laisser entièrement inoccupée.

Les cartes géographiques ont quelque chose qui séduit tous les enfants, même les plus petits. Lorsqu'ils sont fatigués de toute autre étude, ils apprennent encore quelque chose au moyen des cartes. Et cela est pour les enfants une excellente distraction, où leur imagination, sans s'égarer, trouve à s'arrêter sur certaines figures. On pourrait réellement les faire commencer par la géographie. On y joindrait en même temps des figures d'animaux, de plantes, etc., destinées à vivifier la géographie. L'histoire ne viendrait que plus tard.

Pour ce qui concerne l'attention, il faut remarquer qu'elle a besoin d'être fortifiée en général. Attacher fortement nos pensées à un objet est moins un talent qu'une faiblesse de notre sens intérieur, qui se montre dans ce cas inflexible et ne se laisse pas appliquer où l'on veut. La distraction est l'ennemie de toute éducation. La mémoire suppose l'attention.

Pour ce qui est des facultés supérieures de l'esprit, nous rencontrons ici la culture de l'entendement, du jugement et de la raison. On peut commencer par former en quelque sorte passivement l'entendement, en lui demandant des exemples qui s'appliquent à la règle, ou au contraire la règle qui s'applique aux exemples particuliers. Le jugement indique l'usage que l'on doit faire de l'entendement. Il est nécessaire de comprendre ce que l'on apprend ou ce que l'on dit, et de ne rien répéter sans le comprendre. Combien lisent et écoutent certaines choses qu'ils admettent sans les comprendre! C'est ici qu'il faut se rappeler la différence des images et des choses mêmes.

La raison nous fait apercevoir les principes. Mais il faut songer qu'il s'agit ici d'une raison qui n'a pas encore été dirigée. Elle ne doit donc pas toujours vouloir raisonner, mais elle doit prendre garde de trop raisonner sur ce qui dépasse nos idées. Il ne s'agit pas encore ici de la raison spéculative, mais de la réflexion sur ce qui arrive suivant la loi des effets et des causes. Il y a une raison pratique soumise à son empire et à sa direction.

La meilleure manière de cultiver les facultés de l'esprit, c'est de faire soi-même tout ce que l'on veut faire, par exemple de mettre en pratique la règle grammaticale que l'on a apprise, On comprend surtout une carte géographique, quand on peut l'exécuter soi-même. Le meilleur moyen de comprendre, c'est de faire. Ce que l'on apprend le plus solidement et ce que l'on retient le mieux, c'est ce que l'on apprend en quelque sorte par soi-même. Il n'y a pourtant qu'un petit nombre d'hommes qui soient en état de le faire.

Dans la culture de la raison il faut procéder à la manière de Socrate. Celui-ci en effet, qui se nommait l'accoucheur des esprits de ses auditeurs, nous donne dans ses dialogues, que Platon nous a en quelque sorte conservés, des exemples de la manière d'amener même des personnes d'un âge mûr à tirer certaines idées de leur propre raison. Il y a beaucoup de points sur lesquels il n'est pas nécessaire que les enfants exercent leur esprit. Ils ne doivent pas raisonner sur tout. Ils n'ont pas besoin de connaître les raisons de tout ce qui peut concourir à leur éducation; mais, dès qu'il s'agit du devoir, il faut leur en faire connaître les principes. Toutefois on doit en général faire en sorte de tirer d'eux-mêmes les connaissances rationnelles, plutôt que de les introduire. La méthode socratique devrait servir de règle à la méthode catéchétique. Elle est, il est vrai, quelque chose de long; et il est difficile de la diriger de telle sorte que, en tirant de l'esprit de l'un des connaissances, on fasse apprendre quelque chose aux autres. La méthode mécaniquement catéchétique est bonne aussi dans beaucoup de sciences, par exemple dans l'enseignement de la religion révélée. Dans la religion universelle au contraire il faut employer la méthode socratique. Mais pour ce qui doit être historiquement enseigné, la méthode mécaniquement catéchétique se trouve être préférable.

Il faut aussi placer ici la culture du sentiment du plaisir ou de la peine. Elle doit être négative; il ne faut pas amollir le sentiment. Le penchant à la mollesse est plus fâcheux pour les hommes que tous les maux de la vie. Il est donc extrêmement important d'apprendre de bonne heure aux enfants à travailler. Quand ils ne sont pas déjà efféminés, ils aiment réellement les divertissements mêlés de fatigues et les occupations qui exigent un certain déploiement de forces. On ne doit pas les rendre difficiles sur leurs jouissances et leur en laisser le choix. Les mères gâtent ordinairement en cela leurs enfants et les amollissent en général. Et cependant on observe que les enfants, surtout les fils, aiment mieux leurs pères que leurs mères. Cela peut bien venir de ce que les mères ne laissent pas sauter, courir de côté et d'autre, etc., et cela par crainte qu'il ne leur arrive quelque accident. Le père, au contraire, qui les gronde, qui les bat même quand ils n'ont pas été sages, les conduit parfois dans les champs, et là les laisse courir, jouer et prendre tous leurs ébats, comme il convient à leur âge.

On croit exercer la patience des enfants en leur faisant longtemps attendre quelque chose. Cela ne devrait pourtant pas être nécessaire. Mais ils ont besoin de patience dans les maladies, etc. La patience est double. Elle consiste, ou bien à renoncer à toute espérance, ou bien à prendre un nouveau courage. La première espèce de patience n'est pas nécessaire, quand on ne désire jamais que le possible; et l'on peut toujours avoir la seconde, quand on ne désire que ce qui est juste. Mais, dans les maladies, la perte de l'espérance est aussi funeste que le courage est favorable au rétablissement de la santé. Celui qui est capable d'en montrer encore au sujet de son état physique ou moral ne renonce pas à l'espérance.

Il ne faut pas non plus rendre les enfants timides. Cela arrive principalement lorsqu'on leur adresse des paroles injurieuses et qu'on les humilie souvent. C'est ici surtout qu'il faut blâmer ces paroles que beaucoup de parents adressent à leurs enfants : « Fi, n'as-tu pas de honte? » On ne voit pas de quoi les enfants pourraient avoir honte, quand, par exemple, ils mettent leur doigt dans leur bouche, etc. On peut leur dire que ce n'est pas l'usage, mais on ne doit jamais leur faire honte que dans le cas où ils mentent. La nature a donné à l'homme la rougeur de la honte afin qu’il se trahisse lorsqu'il ment. Si donc les parents ne parlaient jamais de honte à leurs enfants que lorsqu'ils mentent, ils conserveraient tout le temps de leur vie cette rougeur à l'endroit du mensonge. Mais si on les fait rougir sans cesse, on leur donnera ainsi une timidité qui ne les quittera plus.

Il ne faut pas, comme on l'a déjà dit plus haut, briser la volonté des enfants, mais seulement la diriger de telle sorte qu'elle sache céder aux obstacles naturels. L'enfant doit d'abord obéir aveuglément. Il n'est pas naturel qu'il commande par ses cris, et que le fort obéisse au faible. On ne doit donc jamais céder aux cris des enfants, même dans leur première jeunesse, et leur laisser ce moyen d'obtenir ce qu'ils veulent. Les parents se trompent ordinairement ici, et croient pouvoir plus tard réparer le mal, en refusant à leurs enfants tout ce qu'ils demandent. Mais il est très absurde de leur refuser sans raison ce qu'ils attendent de la bonté de leurs parents, uniquement pour leur faire éprouver une résistance et leur faire sentir qu'ils sont les plus faibles.

On gâte les enfants en faisant tout ce qu'ils veulent, et on les élève très mal en allant toujours au-devant de leurs volontés et de leurs désirs. C'est ce qui arrive ordinairement, tant que les enfants sont un jouet pour leurs parents, surtout dans le temps où ils commencent à parler. Mais cette indulgence leur cause un grand dommage pour toute leur vie. En allant au-devant de leurs volontés, on les empêche sans doute de témoigner leur mauvaise humeur, mais ils n'en deviennent que plus emportés. Ils n'ont pas encore appris à connaître comment ils doivent se conduire. — La règle qu'il faut observer à l'égard des enfants dès leur première jeunesse, c'est donc d'aller à leur secours, lorsqu'ils crient et que l'on croit qu'il leur arrive quelque mal, mais de les laisser crier, quand ils ne le font que par mauvaise humeur. Et c'est une conduite du même genre qu'il faut constamment tenir plus tard. La résistance que l'enfant rencontre dans ce cas est toute naturelle, et elle est proprement négative, puisqu'on ne fait que refuser de lui céder. Bien des enfants, au contraire, obtiennent de leurs parents tout ce qu'ils désirent, en ayant recours aux prières. Si on leur laisse tout obtenir par des cris, ils deviennent méchants; mais, s'ils l'obtiennent par des prières, ils deviennent doux. A moins donc qu'on n'ait quelque puissant motif pour agir autrement, il faut céder à la prière de l'enfant. Mais, si l'on a ses raisons pour n'y pas céder, on ne doit plus se laisser toucher par beaucoup de prières. Tout refus doit être irrévocable. C'est un moyen infaillible de n'avoir pas besoin de refuser souvent.

Supposez qu'il y ait dans l'enfant, ce que l'on ne peut toutefois admettre que très rarement, un penchant naturel à l'indocilité, le mieux est, quand il ne fait rien pour nous être agréable, de ne rien faire non plus pour lui. En brisant sa volonté, on lui inspire des sentiments serviles; la résistance naturelle, au contraire, produit la docilité.

La culture morale doit se fonder sur des maximes, non sur une discipline. Celle-ci empêche les défauts, celle-là forme la façon de penser. On doit faire en sorte que l’enfant s'accoutume à agir d'après des maximes et non d'après certains mobiles. La discipline ne laisse que des habitudes qui s'éteignent avec les années. L'enfant doit apprendre à agir d'après des maximes dont il aperçoive lui-même la justice. On voit aisément qu'il est difficile de produire cet effet chez les jeunes enfants, et que la culture morale exige beaucoup de lumières de la part des parents et des maîtres.

Lorsqu'un enfant ment, par exemple, on ne doit pas le punir, mais le traiter avec mépris, lui dire qu'on ne le croira plus à l'avenir, etc. Mais si on le punit, quand il fait mal, et qu’on le récompense, quand il fait bien, il fait alors le bien pour être bien traité; et, lorsque plus tard il entrera dans le monde où les choses ne se passent point ainsi, mais où il peut faire le bien ou le mal sans recevoir de récompense ou de châtiment, il ne songera qu'aux moyens de faire son chemin et sera bon ou mauvais, suivant qu'il trouvera l'un ou l'autre plus avantageux.

Les maximes doivent sortir de l'homme même. On doit chercher de bonne heure à introduire dans les enfants par la culture morale l'idée de ce qui est bien ou mal. Si l'on veut fonder la moralité, il ne faut pas punir. La moralité est quelque chose de si sacré et de si sublime qu'on ne doit pas la rabaisser à ce point et la mettre sur le même rang que la discipline. Les premiers efforts de la culture morale doivent tendre à former le caractère. Le caractère consiste dans l'habitude d'agir d'après des maximes. Ce sont d'abord les maximes de l'école et plus tard celles de l'humanité. Au commencement l'enfant obéit à des lois. Les maximes sont aussi des lois, mais subjectives; elles dérivent de l'entendement même de l'homme. Aucune transgression de la loi de l'école ne doit passer impunie, mais la punition doit toujours être appropriée à la faute.

Quand on veut former le caractère des enfants, il importe beaucoup qu'on leur montre en toutes choses un certain plan, de certaines lois, qu'ils puissent suivre exactement. C'est ainsi que, par exemple, on leur fixe un temps pour le sommeil, un pour le travail, un pour la récréation; ce temps une fois fixé, on ne doit plus l'allonger ou l'abréger. Dans les choses indifférentes, on peut laisser le choix aux enfants, pourvu qu'ils continuent toujours d'observer ce dont ils se sont une fois fait une loi. — Il ne faut pas essayer de donner à un enfant le caractère d'un citoyen, mais celui d'un enfant.

Les hommes qui ne se sont pas proposé certaines règles ne sauraient inspirer beaucoup de confiance; il arrive fréquemment qu'on ne peut se les expliquer, et l'on ne sait jamais au juste à quoi s'en tenir sur leur compte. On blâme souvent, il est vrai, les gens qui agissent toujours d'après des règles, par exemple l'homme qui a toujours une heure ou un temps fixé pour chaque action; mais souvent aussi ce blâme est injuste, et cette régularité est une disposition favorable au caractère, quoiqu'elle semble une gène.

L'obéissance est avant toutes choses un trait essentiel du caractère d'un enfant, particulièrement d'un écolier. Elle est double : c'est d'abord une obéissance à la volonté absolue de celui qui dirige; mais c'est aussi une obéissance à une volonté regardée comme raisonnable et bonne. L'obéissance peut venir de la contrainte, et elle est alors absolue, ou bien de la confiance, et elle est alors volontaire. Cette dernière est très importante, mais la première est extrêmement nécessaire; car elle prépare l'enfant à l'accomplissement des lois qu'il devra exécuter plus tard comme citoyen, alors même qu'elles ne lui plairaient pas.

Les enfants doivent être soumis à une certaine loi de nécessité. Mais cette loi doit être une loi universelle, et il faut l'avoir toujours en vue dans les écoles. Le maître ne doit montrer aucune prédilection, aucune préférence pour un enfant entre plusieurs. Car autrement la loi cesserait d'être universelle. Dès que l'enfant voit que tous les autres ne sont pas soumis à la même règle que lui, il devient mutin.

On dit toujours qu'il faut tout présenter aux enfants de telle sorte qu'ils le fassent par inclination. Dans beaucoup de cas sans doute cela est bon, mais il y a beaucoup de choses qu'il faut leur prescrire comme des devoirs. Cela leur sera plus tard de la plus grande utilité pendant toute leur vie. Car dans les charges publiques, dans les travaux qu'exigent les fonctions que nous avons à remplir, et dans beaucoup d'autres cas le devoir seul peut nous conduire et non l'inclination. Quand on supposerait que l'enfant n'aperçoit pas le devoir, toujours vaudrait-il mieux qu'on lui en donnât l'idée, et il voit bien d'ailleurs qu'il a des devoirs comme enfant, quoiqu'il voie plus difficilement qu'il en a comme homme. S'il pouvait aussi voir cela, ce qui n'est possible qu'avec les années, l'obéissance serait encore plus parfaite.

Toute transgression d'un ordre chez un enfant est un manque d'obéissance, qui entraîne une punition. Même lorsque la transgression d'un ordre n'est qu'une simple négligence, la punition n'est pas inutile. Cette punition est ou physique ou morale.

La punition est morale lorsque l'on froisse notre penchant à être honorés et aimés, cet auxiliaire de la moralité, par exemple lorsqu'on humilie l'enfant, qu'on l'accueille avec une froideur glaciale. Il faut autant que possible entretenir ce penchant. Aussi cette espèce de punition est-elle la meilleure, car elle vient en aide à la moralité; par exemple si un enfant ment, un regard de mépris est une punition suffisante, et c'est la meilleure punition.

La punition physique consiste ou bien dans le refus de ce que l'enfant désire, ou bien dans l'application d'une certaine peine. La première espèce de punition est voisine de la punition morale, et elle est négative. Les autres punitions doivent être appliquées avec précaution, afin qu'il n'en résulte pas des dispositions serviles (indoles servilis). Il n'est pas bon de distribuer aux enfants des récompenses, cela les rend intéressés, et produit en eux des dispositions mercenaires (indoles mercenaria).

L'obéissance est en outre ou bien celle de l'enfant, ou bien celle de l'adolescent. Le défaut d'obéissance est toujours suivi de punition. Ou bien cette punition est une punition toute naturelle, que l'homme s'attire par sa conduite, comme par exemple la maladie que se donne l'enfant quand il mange trop; et cette espèce de punition est la meilleure, car l'homme la subit toute sa vie, et non pas seulement pendant son enfance. Ou bien la punition est artificielle. Le besoin d'être estimé et aimé est un sûr moyen de rendre les châtiments durables. Les punitions physiques ne doivent servir qu'à remédier à l'insuffisance des punitions morales. Lorsque les punitions morales n'ont plus d'effet et que l'on a recours aux punitions physiques, il faut renoncer à former jamais par ce moyen un bon caractère. Mais au commencement la contrainte physique sert à réparer dans l'enfant le défaut de réflexion.

Les punitions que l'on inflige avec des signes de colère portent à faux. Les enfants n'y voient alors que des effets de la passion d'un autre, et ne se considèrent eux-mêmes que comme les victimes de cette passion. En général il faut faire en sorte qu'ils puissent voir que les punitions qu'on leur inflige ont pour but final leur amélioration. Il est absurde d'exiger des enfants que l'on punit qu'ils vous remercient, qu'ils vous baisent le mains, etc.; c'est vouloir en faire des êtres serviles. Lorsque les punitions physiques sont souvent répétées, elles font des caractères intraitables; et, lorsque les parents punissent leurs enfants pour leur égoïsme, ils ne font que les rendre plus égoïstes encore. — Ce ne sont pas toujours non plus les plus mauvais hommes qui sont intraitables, mais souvent ils se rendent aisément aux bonnes représentations.

L'obéissance de l'adolescent est distincte de celle de l'enfant. Elle consiste dans la soumission aux règles du devoir. Faire quelque chose par devoir, c'est obéir à la raison. C'est peine perdue que de parler de devoir aux enfants. Ils ne le voient en définitive que comme une chose dont la transgression est suivie de la férule. L'enfant pourrait être guidé par ses seuls instincts; mais, lorsqu'il grandit, il a besoin de l'idée du devoir. Aussi ne doit-on pas chercher à mettre en jeu chez les enfants le sentiment de la honte, mais attendre pour cela le temps de la jeunesse. Il ne peut en effet trouver place en eux que quand l'idée de l'honneur a déjà pris racine.

Un second trait auquel il faut surtout s'attacher dans la formation du caractère de l'enfant, c'est la véracité. C'est en effet le trait principal et l'attribut essentiel du caractère. Un homme qui ment est sans caractère, et s'il y a en lui quelque chose de bon, c'est qu'il le tient de son tempérament. Bien des enfants ont un penchant pour le mensonge, qui n'a souvent d'autre cause qu'une certaine vivacité d'imagination. C'est aux pères à prendre garde qu'ils ne s'en fassent une habitude, car les mères regardent ordinairement cela comme une chose de nulle ou de médiocre importance; elles y trouvent même une preuve flatteuse pour elles des dispositions et des capacités supérieures de leurs enfants. C'est ici le lieu de faire usage du sentiment de la honte, car l'enfant le comprend très bien dans ce cas. La rougeur de la honte nous trahit quand nous mentons, mais elle n'est pas toujours une preuve de mensonge. On rougit souvent de l'effronterie avec laquelle un autre nous accuse d'une faute. On ne doit à aucun prix chercher à arracher la vérité aux enfants par des punitions, dût leur mensonge entraîner après soi quelque dommage: ils seront punis alors pour ce dommage. La perte de l'estime est la seule punition qui convienne au mensonge.

Les punitions peuvent aussi se diviser en négatives et positives. Les premières s'appliqueraient à la paresse ou au manque de moralité ou au moins de politesse, comme le mensonge, le défaut de complaisance, l'insociabilité. Les punitions positives sont pour la méchanceté. Avant toutes choses il faut éviter de garder rancune aux enfants.

Un troisième trait du caractère de l'enfant, c'est la sociabilité. Il doit même entretenir avec les autres des relations d'amitié et ne pas toujours vivre pour lui seul. Bien des maîtres sont, il est vrai, contraires à cette idée; mais cela est très injuste. Les enfants doivent se préparer ainsi à la plus douce de toutes les jouissances de la vie. De leur côté, les maîtres ne doivent préférer aucun d'entre eux pour ses talents, mais seulement pour son caractère; autrement il en résulterait une jalousie qui serait contraire à l'amitié.

Les enfants doivent aussi être candides, et leurs regards doivent être aussi sereins que le soleil. Un coeur content est seul capable de trouver du plaisir dans le bien. Toute religion qui assombrit l'homme est fausse, car il doit servir Dieu avec plaisir et non par contrainte. Il ne faut pas toujours retenir la gaieté sous la dure contrainte de l'école, car dans ce cas elle serait bientôt anéantie. La liberté l'entretient. C'est à cela que servent certains jeux où le coeur s'épanouit et où l'enfant s'efforce toujours de devancer ou de surpasser ses camarades. L'âme redevient alors sereine. Beaucoup de gens regardent le temps de leur jeunesse comme le plus heureux et le plus agréable de leur vie. Mais, il n'en est pas ainsi. Ce sont les années les plus pénibles, parce qu'on est alors sous le joug, qu'on peut rarement avoir un ami véritable et plus rarement encore jouir de la liberté.




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Sommaire. - Que l’enfant ne doit avoir que l’intelligence d'un enfant

Les enfants ne doivent être instruits que des choses qui conviennent à leur âge. Bien des parents se réjouissent de voir leurs enfants parler avec la sagesse des vieillards. Mais on ne fait ordinairement rien d'enfants de cette espèce. Un enfant ne doit avoir que la prudence d'un enfant. Il ne doit pas être un aveugle imitateur. Or un enfant qui met en avant les maximes de la sagesse des hommes est tout à fait en dehors de la destination de son âge, et c'est chez lui pure singerie. Il ne doit avoir que l'intelligence d'un enfant, et ne doit pas se montrer trop tôt. Un pareil enfant ne sera jamais un homme éclairé et d'une intelligence sereine. Il est aussi intolérable de voir un enfant vouloir suivre déjà toutes les modes, par exemple se faire friser, porter des bagues et même une tabatière. Il devient ainsi un être affecté qui ne ressemble guère à un enfant. Une société polie lui est un fardeau, et le courage de l'homme finit par lui manquer tout à fait. C'est pourquoi aussi il faut lutter de bonne heure chez lui contre la vanité, ou plutôt ne pas lui donner l'occasion de devenir vain. C'est ce qui arrive, lorsque l'on n'a rien de plus pressé que de répéter aux enfants qu'ils sont beaux, que telle ou telle parure leur sied à merveille, ou qu'on leur promet et leur donne cette parure comme une récompense. La parure ne convient pas à des enfants. Ils ne doivent regarder leurs habillements bons ou mauvais que comme des besoins indispensables. Mais aussi les parents ne doivent y attacher pour eux-mêmes aucun prix, et éviter de se mirer devant eux; car ici, comme partout, l'exemple est tout-puissant, et fortifie ou détruit les bonnes doctrines.

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