Isidore de Séville saint

556-4 avril 636
"Le désir de savoir était intense chez les peuples jeunes qui avaient envahi l’Empire romain; le premier qui s’efforça d’y satisfaire fut saint Isidore de Séville.

Par son père, Sévérianus, gouverneur de Carthagène, Isidore descendait peut-être de l’antique race gréco-latine; mais sa famille avait mêlé son sang au sang visigoth; le roi des Visigoths, Léovigilde, avait épousé la sœur aînée d’Isidore.

Isidore avait été instruit par son frère aîné Léandre; moine, évêque de Séville, apôtre de la conversion des Visigoths ariens, Léandre était allé à Byzance, afin de demander à l’empereur des secours pour les chrétiens contre la persécution des Ariens; à Byzance, Léandre prit contact avec la culture antique, et il voulut que son jeune frère n’ignorât ni le grec ni l’hébreu.

En 601, Isidore succéda à son frère Léandre sur le trône épiscopal de Séville qu’il devait occuper jusqu’à sa mort, survenue en 636. Le souci de maintenir la foi contre les hérésies, de fixer la liturgie en constituant le rite mozarabe, ne nuisit pas, en lui, au désir de transmettre aux Visigoths ce qu’avaient conquis la philosophie et la science antiques; ce désir se marque par le décret que rendit, à son instance, le quatrième concile de Tolède; l’étude du grec et de l’hébreu, déjà florissante à Séville, fut étendue à toutes les églises épiscopales de l’Espagne.

L’ambition qu’avait Isidore de sauver, en faveur des Barbares, les épaves de la pensée hellénique et latine, d’instruire les Goths de ce que le passé avait connu, inspire bon nombre des écrits de l’évêque de Séville et, en particulier, le grand traité qu’il a intitulé Les Étymologies ou Les Origines.

Nul livre n’était mieux fait pour plaire à des intelligences encore enfantines et avides de tout connaître que cette encyclopédie, où tout est enseigné en vingt livres que subdivisent des chapitres nombreux et concis.

La grammaire est le sujet du premier livre des Étymologies; la rhétorique et la logique occupent le second; le troisième est consacré aux sciences mathématiques et astronomiques; la médecine, le droit auquel l’auteur adjoint l’étude du calendrier, précèdent, suivant un ordre dont la règle ne se laisse guère percevoir, les livres consacrés à Dieu et à l’Église; puis les sciences naturelles se développent; anthropologie, zoologie, cosmographie, géographie, minéralogie, géologie, agronomie et botanique se succèdent, et cèdent la place à des livres qui traitent vraiment de omni re scibili, qui enseignent jusqu’à la cuisine, jusqu’aux outils de jardinage et d’équitation, dont l’étude met fin aux Étymologies.

Les Origines d’Isidore de Séville sont comme le type sur lequel se modèleront plusieurs traités du Moyen Age, et de ceux qui auront le plus de vogue; (…). Lorsqu’au XIIIe siècle, l’encyclopédie du grand évêque espagnol aura vieilli à l’excès, de nouvelles compilations analogues verront le jour; Barthélemy l’Anglais, le premier, composera son De proprietatibus rerum, puis Vincent de Beauvais écrira son Speculum triplex, naturale, historiale, morale; ces deux livres, dont la vogue sera extrême, ne se borneront pas à reproduire maint chapitre des Étymologies; ils procéderont du même esprit que le traité d’Isidore; ils rivaliseront de succès avec ce traité, parce que, comme lui, ils s’efforceront de satisfaire à un désir, toujours ardent chez un grand nombre d’hommes, celui de posséder un livre où toute la Science soit condensée et emmagasinée, où l’on trouve sans peine réponse à tout."

PIERRE DUHEM, L’astronomie latine au Moyen Age (suite). Reproduit à partir de l’édition: Paris, Hermann, 1958, p. 3-4

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