Rivière

Le passage qui suit est tiré de L'Équilibre sacré de David Suzuki, paru en français aux Éditions Fides en 2002. La première partie de ce livre inspiré est consacré aux quatre éléments. L'extrait cité se trouve aux pages 78-79.

 

L'APPAREIL CIRCULATOIRE DE LA TERRE

Sur les continents, le réseau hydrographique ressemble à l'appareil circulatoire d'un corps. Et, de fait, c'est le rôle que remplissent les systèmes de lacs et de rivières. L'eau provenant de la pluie, de la fonte des neiges ou des racines de végétaux, s'accumule dans les rigoles et les ruisseaux qui la transportent jusqu'aux rivières et fleuves qui se jettent à leur tour dans des lacs ou des océans, où elle s'évapore une nouvelle fois dans l'atmosphère. Tous ces réseaux de radicelles, de racines et de branches, ou de rigoles, de ruisseaux et de rivières, ou de veines et de capillaires dans les tissus vivants, reflètent les mêmes réalités physiques et nous relient étroitement aux processus vitaux de la Terre. Pour reprendre les mots de l'écologiste de l'eau Jack Vallentyne :

Si l'eau est le sang de la Mère Terre et le sol son placenta, les cours d'eau sont ses veines, les océans sont les ventricules de son coeur et l'atmosphère, son aorte géante. L'espérance de vie des rivières, si l ' on comparait les pulsations de la Terre à celles d u coeur humain, s'échelonnerait sur des millions, voire des milliards d'années, selon que l'on mesurerait en jours ou en années ces pulsations1.

L'eau est dormante ou bien courante ; elle enrobe d'une pellicule des particules infimes de sol, remplit les interstices du roc et s'accumule incommensurablement dans les profondes nappes aquiferes qui existent depuis l'époque où les dinosaures sillonnaient les continents. Cette eau « fossile » peut se déplacer de quelques mètres tous les mille ans ; on estime que l'eau des nappes aquiferes, sous la ville de Londres, serait vieille de vingt mille ans. Il ne se génère pas constamment de l'eau de novo; l'eau qu'on trouve présentement sur Terre y est depuis toujours. Mais le processus de transformation par lequel elle entretient la vie, en virevoltant autour de la planète, en passant d'un nuage à la pluie, puis au sol avant de réintégrer le cycle hydrologique, ce processus n'a pas toujours Les océans qui coulent dans nos veines existé. Il est le produit d'une multitude de facteurs : la température, la chimie, le sol et la vie même.

 

LE PREMIER DÉLUGE

Dans les premiers temps de la vie de la Terre, l'atmosphère était trop surchauffée pour que l'eau existe sous forme liquide. L'eau libérée par les volcans se vaporisait; ce n'est qu'après dix millions d'années, quand l'atmosphère se fut suffisamment refroidie, que l'eau put se condenser en nuages. Avec le temps, ces nuages réussirent à libérer leur contenu de pluie sur la roche qui s'était formée à la surface de la planète.

Imaginez le paysage rocheux et sans vie qu'offrait alors la Terre : d'immenses montagnes en transperçaient le ciel, de profondes tranchées en balafraient la surface. Lorsque la pluie se mit à tomber inexorablement, l'eau s'accumula dans toutes les dépressions, les remplit et se déversa en direction du plus proche endiguement. Soumise à la gravité, l'eau inonda les dépressions, créa des ruisseaux et des rivières, charriant des roches, creusant des chenaux, se précipitant vers des régions toujours plus basses

Après des millions d'années, l'eau douce recouvrit la plus grande partie de la Terre. Son flot ininterrompu a dissous les composés de la matière rocheuse et détaché de minuscules quantités d'éléments qu'il entraîna vers de plus vastes étendues d'eau. Cette imperceptible accrétion, un énorme changement qui s'opéra par des altérations infinitésimales sur de très longues périodes de temps, forma les mers salées.

La vie fit son apparition dans la période archéenne, i l y a de cela 2,5 à 3,7 milliards d'années et, même dès ces temps primordiaux, elle semble avoir joué un rôle dans la conservation des réserves d eau sur Terre. Pendant cette période, les oxydes présents dans les roches basaltiques réagirent continuellement au gaz carbonique et à l'eau, produisant divers carbonates (des composés d'oxygène et de carbone) de sodium, de potassium, de calcium, de magnésium et de fer, et libérant de l'oxygène dans l'hydrogène. Comme l'hydrogène est extrêmement léger et que la force de gravité de la planète est incapable de le retenir, il se dispersa dans l'espace. Si cette réac- £'on s était poursuivie pendant un milliard d'années ou davantage, ta planète aurait peut-être perdu toute son eau et l'atmosphère de
la Terre ressemblerait à celle de Mars. Au lieu de cela, quand les végétaux développèrent la photosynthèse et générèrent ainsi de l'oxygène comme sous-produit, une partie de l'hydrogène de l'eau fut conservée dans la chaîne carbonique du glucose, ce qui retint l'hydrogène sur la planète. En outre, les bactéries utilisèrent comme source d'énergie l'hydrogène libre produit par l'oxydation du fer dans le roc.» O r l'oxygène, l'hydrogène et le soufre réagissent chimiquement pour produire de l'eau et de l'hydrogène sulfuré qui, dans sa structure même, contient de l'énergie récupérable. Conséquemment, les forces de la vie ont fort bien pu prévenir le dessèchement de la planète en captant l'hydrogène nécessaire à l'eau, empêchant ainsi l'hydrogène de se dissiper dans l'espace.2

1-J.Vallentyne, American Society of Lanscape Architects,(Chapitre sur l'Ontario), 4, no 4, Septembre-Octobre 1987.

2-Voir J.Lovelock, Gaia: The practical science of planetary medicine, Londres, Allen & Unwin, 1991

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