Homme

Les idées relatives à l’essence et à l’origine de l’homme n’ont jamais été moins sûres, plus indéterminées et plus diverses qu’aujourd’hui. Notre époque est celle où, pour la première fois dans les temps historiques, c’est-à-dire depuis environ dix mille ans, l’homme est devenu complètement un véritable problème pour lui-même, où il ne sait plus qui il est, mais en même temps sait qu’il ne le sait pas.»

Ce diagnostic formulé par Max Scheler vers 1930 est encore plus justifié aujourd'hui. Quant aux efforts faits par Scheler pour clarifier les idées sur l'homme, ils revêtent un caractère de plus en plus prophétique au fur et à mesure que se précise à l'horizon l'image du cyborg.

Dans L'homme et l'histoire Scheler distingue cinq grandes idées de l'homme que nous appellerons:

L'homme religieux
L'homo sapiens
L'homo faber
Le sous-homme
Le surhomme

Il convient aujourd'hui de compléter cette liste par le cyborg ou homme-machine et par le seul être sans doute que l'on puisse encore opposer avec quelque chance de succès au cyborg: l'homme intégral.

Au cours de l'histoire, les nouvelles conceptions de l'homme, comme les nouvelles conceptions du monde, ont remplacé les précédentes comme un clou chasse l'autre. Il en est résulté un tragique appauvrissement. L'homme que nous appelons intégral est celui qui retient dans une synthèse originale les éléments positifs des conceptions antérieures.

Enjeux

Après la mort de Dieu, celle de l'homme? C'est ce que nous annoncent, réjouis, un nombre croissant de savants et de philosophes, américains surtout.

Parmi eux, le penseur officiel du nouvel ordre mondial, Francis Fukuyama. Voici ce qu'il écrivait en 1999 dans The National Interest: «La révolution scientifique biologique est en cours d'enfanter dans les trois décennies à venir un nouveau genre humain.»

Fukuyama devait reprendre la même thèse dans le journal Le Monde du 17 juin 1999. Dans un article sur le dernier livre d'E.Roudinesco , paru dans Le Devoir le 4 décembre dernier, Antoine Robitaille donne l'adresse du site Internet(http://www.extropy.org) des extropiens, ces mutants auxquels Fukuyama et la revue National Interest ne craignent pas d'associer leur nom. À propos du transhumanisme, l'extropien en chef Max More écrit: «Nous considérons l’humanité comme une étape transitoire dans le développement de l’intelligence. Grâce à la science, nous accélérerons notre transition d’une condition humaine à une condition transhumaine ou posthumaine.» «L’humanité est pour nous un point de départ merveilleux, mais ce n’est pas un point d’arrivée», comme disait le chercheur Freeman Dyson. «Dans la mire des extropiens, précise Antoine Robitaille: les limites humaines comme «le vieillissement» et la «mort» «ne doivent plus être considérées comme inévitables». Leurs fixations: les techniques de cryogénie (congélation post-mortem), le génie génétique, les substances pouvant améliorer les performances du cerveau. L’objet de leur haine: les religions, sources de l’idée de «limite».

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