Garder son butin

Michel Lessard

Déménager hors Québec les artefacts de Parcs  Canada


Garder son butin!

J’ai fréquenté ces collections il y a une  vingtaine  d’années pour documenter certaines de mes publications, au moment où elles logeaient dans la gare maritime Champlain à l’Anse- aux-Foulons servant alors divers ministères fédéraux. Je connais également assez bien la discipline archéologique, une science auxiliaire de l’histoire, pour avoir servi d’assistant de champ dans des campagnes de fouilles  à l’été 1965 menées  sur trois sites canadiens dont le plus important  concernait l’impressionnant  Fort Lennox (1819) sur l’île-aux-Noix, dans la Rivière Richelieu , aménagé sur d’anciennes palissades du Régime français.

 La collection de millions d’artefacts de Parcs  Canada  touche les sites militaires du Québec dont la ville de Québec intra-muros (terrasse Dufferin, Citadelle, fortifications, redoute Dauphine...), tout ce qui concerne la zone de patrimoines agro-marins et commerciaux   dans le parc de Forillon, tout ce qui révèle la première industrie sidérurgique du pays aux  forges du Saint-Maurice (1730) et des dizaines d’interventions dans notre culture historique et préhistorique. Ces spécimens de culture matérielle  venus de projets fédéraux ont  permis la mise en valeur de sites historiques émouvants , fréquentés chaque année par des dizaines de miliers de visiteurs. Il faut voir  le centre d’interprétation des forges de Saint-Maurice à Trois-Rivières  pour mesurer l’inventivité et le talent des maîtres fondeurs qui ont su faire chanter la fonte pendant plus de 150 ans notamment en inventant d’élégants poêles qui ont servi la vie domestique. Les fouilles ont révélé des trésors d’ingéniosité et de connaissances des canon esthétiques à la mode vérifiables dans des centaines de  vestiges conservés. Même magie à la visite du Centre d’interprétation de la bataille de la Rivière Restigouche à Pointe-à -la-Croix.. Pris en souricière par la marine anglaise en avril 1760, une flottille française a  choisi de se saborder plutôt que de  se rendre. La fouille sous-marine du Machault venu ravitailler la colonie perdue  a été d’une richesse à couper le souffle. Et ce n’est pas terminé.

 Tout  l’immense projet de Louisbourg a été conçu et développé par des chercheurs  de Parcs Canada basés à Québec. qui ont ensuite rayonné en ethnohistoire le reste de leur carrière. Québec, la capitale nationale, a toujours été le siège de la connaissance en histoire et en archéologie de la Nouvelle-France. Il est normal que le chef-lieu francophone nord-américain  continue  son action de recherche, d’interprétation et de documentation des débuts du pays. Feu Marcel Masse et d’autres rêvaient d’aménager un lieu d’interprétation du Régime français dans les anciennes casernes du Vieux-Québec sur les remparts. Aller travailler sur le Québec ancien à Gatineau équivaut à signer l’arrêt de mort d’un fonds historique majeur. Il serait logique et  naturel que l’histoire du peuplement français soit nourrie dans le milieu qui  l’a créé cette histoire.  Économiquement et culturellement, Québec devrait profiter de cette volonté éclairée de garder  son butin.

  

Michel Lessard, historien

Lévis

À lire également du même auteur

La guerre des couleurs à Québec
Jeux de coulisses et de couleurs... La marque du Canada dans la cité de Champlain... Dix fois p




Articles récents