De l'iatrogenèse collective à l'iatrogenèse individuelle

Heinz Weinmann

Le médecin, sage ou sorcier?

La maladie la plus répandue c'est le diagnostic.
KARL KRAUS

La Némésis médicale: une oeuvre-écran

Il arrive dans l'histoire des idées qu'un seul nom résume de façon tellement éclatante les tâtonnements de ses précurseurs qu'il les relègue totalement dans l'ombre. Ce nom devient ainsi un écran qui bouche la vue sur la genèse véritable de cette idée, nous faisant confondre son origine réelle avec son aboutissement triomphant. Copernic, Freud, pour ne citer que ceux-là. Plus récemment, un livre d'Ivan Illich, Némésis médicale semble faire office d'oeuvre-écran en ce qui concerne la notion d'iatrogenèse. En effet, la synthèse brillante qu'il fait de l'idée pourrait le faire passer facilement pour son fondateur. Or, il n'en est rien. L'iatrogenèse remonte aux débuts de la médecine scientifique, à Hippocrate. Son nil nocere est une première mise en garde contre les maladies, les dommages causés ou aggravés par le médecin (iatro = médecin, genesis = origine). Coïncidence, ou plutôt signe révélateur, nous trouvons encore l'iatrogenèse aux débuts de la médecine arabe, où elle est même intégrée à l'enseignement médical.

Au fur et à mesure que la médecine prend de l'assurance, qu'elle s'institutionalise, elle érige en dogme sa propre infaillibilité et ipso facto l'iatrogenèse est éliminée comme un corps étranger, incompatible avec l'idéologie médicale, celle de guérir et de prolonger la vie des malades. Puisque le iatros est dorénavant hors de cause, il se trouvera toujours, en cas d'échec de son traitement, des alibis comme, par exemple, des circonstances atténuantes, des contre-indications imprévisibles ou encore des «réponses» inadéquates du malade aux remèdes.

Par ailleurs, lorsqu'on refuse à une réalité droit de cité à l'intérieur des cadres légitimes, cette dernière amorce souvent une existence parasitaire, marginale; déformée, chargée, caricaturée, on dirait qu'elle nargue ainsi ceux qui l'ont bannie. L'iatrogenèse, rejetée par la science médicale officielle, sera prise en charge par des francs-tireurs, les écrivains, qui se moqueront de cette médecine devenue inconsciente de ses propres dangers. On connaît les diatribes d'un Montaigne, d'un Molière, d'un Shaw ou d'un Jules Romains contre les médecins, qui, sous prétexte de guérir les malades, leur inoculent des maladies. Bien entendu, Le malade imaginaire et Knock ont les rieurs de leur côté, mais parmi lesquels, hélas, se trouvent aussi les médecins. Les plus fins d'entre eux feront remarquer que si Molière est mort (en jouant d'ailleurs Le malade imaginaire), c'est justement parce qu'il a obstinément refusé les clistères et les saignées du Dr Purgon qui assurent longue vie à son «malade imaginaire».

Nikola Schipkowensky: l'iatrogenèse individuelle

Nous pouvons savoir gré au livre du Dr Nikola Schipkowenskyl d'avoir pris au sérieux ces littérateurs, car ils comblent le «hiatus iatrogène» laissé par la science médicale lors de son institutionalisation en Occident. Ainsi un chapitre complet est consacré au «médecin dans les belles-lettres» (chap. 111, pp. 43-63). La culture littéraire du Dr Schipkowensky lui permet de faire des analyses, toujours du point de vue de l'iatrogenèse, de Molière, Montaigne, Goethe, Tolstoï, sans oublier le Knock de Jules Romains, pour lequel il propose d'ailleurs un sous-titre plus à propos, «le triomphe de l'iatrogenèse».

Mais avant cette incursion dans les belles-lettres, l'auteur prend soin de passer en revue les oeuvres majeures de la littérature psychiatrique américaine, allemande, française et russe avec un résultat maigre et décevant: dans beaucoup de cas, on «ignore» l'iatrogenèse; dans d'autres, on l'effleure par acquit de conscience, mais jamais on ne la traite à fond. Les médecins se comportent à son égard comme face à une maladie contagieuse: spontanément, ils évitent le contact. On ne saurait trop leur en vouloir: le «corps» oblige. En effet, quel est le corps professionnel qui dénonce ouvertement les dangers réels et potentiels qu'il représente pour le bien public? A-t-on déjà vu beaucoup de professeurs s'étendre sur les dommages que la pédagogie inflige à leurs étudiants? Il faut du courage (en allemand, il y a le beau terme Zivilcourage) pour mettre en cause les abus de l'institution qui est votre raison d'être professionnelle. De ce point de vue, Ivan Illich a moins de mérite que N. Schipkowensky: ses tirs portent, mais ce sont ceux d'un franc-tireur qui tire de l'«extérieur». Assis sur son affût, il est à l'aise pour faire une analyse systématique de la «contreproductivité institutionnelle» de la médecine. Cette façon que nous avons aujourd'hui de condamner en bloc le système, n'est-ce pas finalement l'alibi, la mauvaise conscience du statu quo? Après les livres d'Ivan Illich, les écoles usinent toujours, les voitures roulent de plus belle et les médecins continueront sans doute de «guérir»!

L'approche du Dr Schipkowensky, à l'opposé de celle d'Ivan Illich, est individuelle; il a évidemment l'avantage de pouvoir puiser dans une expérience de praticien riche de trente ans. La médecine, pour lui, n'est pas un système abstrait; il s'agit de patients qui souffrent dans leur corps et dans leur âme et qui cherchent un soulagement et espèrent la guérison. Comme tous les grands médecins, il se fait une idée très haute de l'homme. Ainsi il se refuse à considérer la personne humaine comme la somme de ses fonctions organiques. «La psyché et le cortex ne s'équivalent pas: le psychisme n'est aucunement un épiphénomène de la psychologie et encore moins un simple processus cortical. Certes, la vie psychique se réalise grâce à l'activité du cerveau et du système nerveux tout entier, y compris les corrélations endocrino-végétatives, mais son contenu et ses lois sont déterminés par le monde objectif». (p. 5). Le Dr Schipkowensky cite la formule saillante de S. L. Rubinstein: «le cerveau est seulement l'organe de l'activité psychique, son sujet c'est l'homme».

On comprendra alors que l'auteur s'en prenne surtout à une conception iatro-mécanique de la médecine et de la psychiatrie qui tend à ramener à un endroit de l'organisme un réseau complexe d'interactions fonctionnelles et à réduire en conséquence la maladie à une cause. Nous rions évidemment aujourd'hui d'un Descartes qui croyait avoir trouvé le siège de l'âme dans la glande pinéale. Mais même à l'âge cybernétique, le Dr Schipkowensky n'a pas de peine à trouver encore parmi les médecins des disciples du baron d'Holbach. Sans aucun doute, c'est en neurologie que la conception iatro-mécanique s'est retranchée le plus longtemps et a donné lieu à ce qu'on appelle la «mythologie cérébrale» (Gehirnmythologie), qui «localise des activités psychiques dans des centres spécifiques du cerveau» (p. 121). On est surpris d'apprendre que même Pierre Janet s'attendait encore à ce que «la classe tout entière des névroses (soit) à la merci d'une découverte histologique» (p. 126). Or, depuis Pavlov notamment, nous savons que l'activité cérébrale n'est pas fixée dans les «centres», mais se déploie dans des structures beaucoup plus vastes (p. 123).

L'iatrogenèse psychanalytique

Le Dr Schipkowensky n'est guère tendre à l'égard de la psychanalyse qu'il compte parmi les agents iatrogènes et dont il parle dans le chapitre «Vision du monde et iatrogenèse», qui traite également de l'«iatrogenèse magique» et de l'«iatrogenèse religieuse», pour ne nommer que celles-là. L'auteur s'en prend particulièrement aux idées de Freud. Sa réfutation de Freud n'est pas du style de L'Anti-Oedipe: visiblement il a fréquenté Freud de longue date, ce qui donne d'autant plus de poids à ses arguments.

On sait que le complexe d'Oedipe constitue la pierre de touche de la psychanalyse. Que Freud ait souffert d'un complexe d'Oedipe, il nous l'a amplement prouvé dans son «auto-analyse héroïque». Mais est-ce une raison suffisante pour conclure aussitôt à l'«ubiquité» de ce complexe? C'est là en effet la faille du système freudien. Freud, avant d'admettre l'omniprésence du complexe d'Oedipe, pensait que les maladies réactives de la personnalité étaient provoquées par la séduction de l'enfant par un adulte. Les dix-huit hystériques qu'il traitait à l'époque ne l'ont-ils pas eux-mêmes «avoué»? Mais Freud, après coup, se rend compte de son erreur: les scènes de séduction, il les avait tout simplement suggérées, «inculquées» (aufgedrängt), comme il l'admet lui-même dans son Autoportrait (Seibstdarstellung, 1925). Une lettre à Fliess révèle l'ampleur de son sentiment d'échec. «Les déceptions continues qui m'empêchent vraiment de terminer mes analyses, la fuite de ceux de mes patients que j'avais le mieux en main et l'attente frustrée d'un franc succès» comptent parmi les motifs de découragement de Freud. «Pourtant l'espoir d'une gloire posthume éternelle et d'un revenu assuré était si beau»... Ainsi, pour sauver son rêve, Freud, en «admettant son erreur sur la séduction passive de l'enfant, la remplace par l'erreur beaucoup plus grave du complexe d'Oedipe, pulsion incestueuse et assassine active.» (p. 93)

En généralisant le complexe d'Oedipe, Freud s'acquitte lui-même de l'accusation d'avoir transféré à ses malades son propre complexe d'Oedipe: il était là de tout temps. Au lieu de «reconnaître le danger de telles méthodes» qui, par suggestion, inculquent aux malades des traumatismes psychiques en excitant des fantasmes sexuels, Freud s'est entêté dans son idée de double délit et a réussi à greffer ses fantasmes sur les névroses déjà existantes de ses malades et de ses disciples. Ainsi est née une des iatrogenèses les plus lourdes de conséquences et les plus ruineuses de l'histoire de la médecine. Le jugement du Dr Schipkowensky est sans appel.

La psychothérapie libératrice

Il serait faux de croire que l'auteur se contenterait de lancer des flèches acérées contre des Weltanchauungen médicales iatrogènes. Son centre d'intérêt est la relation qui se tisse lors de la consultation entre le médecin et le malade: la psychologie de l'acte médical. S'il ne laisse pas tout à fait de côté ce qu'il appelle les «iatrosomatopathies ou iatropathies» (toutes les maladies somatiques provoquées par des méthodes physiatriques), il se consacre avant tout aux maladies déclenchées lors d'une consultation par un traumatisme psychique et résultant en des «réactions pathologiques de la personnalité de type névrotique ou psychotique» (p. 4). Le Dr Schipkowensky insiste beaucoup sur la gravité de l'acte médical. Malgré la banalisation apparente de la rencontre médecin-patient, il reste que la parole a gardé son impact, on dirait presque magique. Un faux diagnostic dit sur un ton de conviction et d'un air soucieux peut terrasser le patient, le frapper vraiment cette fois de la maladie suggérée. Cette somatisation de la parole du médecin est fréquente, par exemple, dans le cas des maladies cardiovasculaires, parce qu'elle peut causer des «névroses cardiopathophobiques». (p. 130)

L'auteur cite notamment le cas d'une femme de 45 ans qui éprouvait de légers troubles cardiaques (qui étaient réellement d'origine névrotique). Le diagnostic du médecin traitant: myocardite. Du jour au lendemain, elle est clouée au lit, incapable de vaquer comme avant aux activités quotidiennes. D'autres médecins confirment le diagnostic et la traitent en conséquence. Se passent ainsi treize ans! Le Dr Schipkowensky est appelé au chevet de la malade. Il s'étonne que, malgré l'immobilité prolongée et le traitement iatrogène, le coeur de la patiente ait tenu tout de même le coup: il fallait en effet qu'il soit bien solide! Puisqu'il s'agissait tout simplement d'une cardiopathophoble provoquée par iatrogenèse, il suffisait de dire à la malade qu'elle était en santé pour qu'elle se lève, guérie. En y regardant de plus près, le Dr Schipkowensky découvre que cette femme était un cas caractéristique de «fuite dans la maladie». Ce diagnostic fut pour elle prétexte à se soustraire aux travaux quotidiens et à «punir» ainsi son mari pour son manque d'attention et d'amour.

L'auteur dresse ensuite une caractérologie du médecin iatrogène. Il dénonce tour à tour comme comportement iatrogène le «nihilisme thérapeutique» (manque de conviction dans le traitement préconisé) et le «pessimisme du pronostic» (le médecin qui annonce une issue fatale de la maladie). Après avoir passé en revue les différentes phases de la consultation médicale (anamnèse, examen, diagnostic, documentation médicale, thérapie, pronostic; le non-professionnel est frappé par le nombre considérable d'opérations que comporte l'acte médical et il est en droit de se demander comment le médecin peut s'en acquitter en un quart d'heure!), l'auteur se consacre à l'étude de ce qu'il appelle les «réactions pathologiques de la personnalité», déclenchées lors d'une consultation médicale. On y traite notamment de la névrose d'angoisse, de la thanatophobie, de la neurasthénie, de l'hystérie, de la mélancolie réactive, de la paranoïa, etc. Comme toujours, l'analyse s'appuie sur de nombreux cas.

Enfin, le dernier chapitre, la pièce maîtresse, développe la «psychothérapie libératrice» (befreiende Psychotherapie). Elle part du principe «que chaque rencontre entre le médecin et le malade a un énorme impact psychologique. Il s'agit de savoir si son effet sera positif (psychothérapie libératrice) ou négatif (iatrogenèse), car il ne sera jamais neutre» (p. 228). En regardant les résultats statistiques des différents traitements psychothérapeutiques, on est frappé par la très grande convergence des chiffres en ce qui concerne les guérisons, les cas d'amélioration et les échecs. L'auteur en conclut qu'au-delà des différences, il doit y avoir un certain nombre de principes de base, d'isomorphismes qui rapprochent ces méthodes psychothérapeutiques apparemment si divergentes. Le Dr Schipkowensky s'emploie donc à élaborer ces fonctions communes, qui sont au nombre de quatre et qui constituent les principes mêmes de la «psychothérapie libératrice».

1. Libérer le malade de la situation pathogène. Hippocrate n'a-t-il pas déjà appliqué ce principe lorsqu'il révéla au roi Perdika que sa maladie était due à un conflit entre son père et son amie d'enfance, Philia? Dès qu'il est sûr de la situation pathogène, le Dr Schipkowensky tente de l'éliminer, en dosant les moyens à prendre suivant les contraintes de la situation. Dans certains cas extrêmes, il peut recommander le divorce ou un changement professionnel, s'il s'avère que c'est bien là la cause du mauvais fonctionnement de la personnalité. Dans beaucoup de cas (par exemple, la neurasthénie et la névrose obsessionnelle), pour briser le stéréotype quotidien familial et professionnel, il peut suffire d'un congé de maladie dans une ville balnéaire, des effets bénéfiques d'une cure d'eau, de la physiothérapie, de promenades dans la nature. Il estime que le contact avec la nature peut être très propice à réduire les tensions névrotiques et ainsi rétablir «le biotonus de l'organisme tout entier».

2. Libérer le malade de l'angoisse et des appréhensions. Le malade qui vient consulter un médecin est souvent hanté par des peurs de maladies imaginaires ou véridiques. Le rôle du médecin et évidemment du psychiatre est de le rassurer, de lui montrer le non-fondé de ses angoisses (dans le cas d'hypocondriaques) et en cas de maladies graves (comme le cancer) de ne pas révéler la gravité de la maladie. Le Dr Schipkowensky ne fait une exception que pour les malades qui ont une personnalité forte et qui peuvent regarder la mort en face. Il paraît que ces derniers ne sont pas nombreux.

Ainsi le livre du Dr Schipkowensky nous incite-t-il à nous interroger, malgré le grand renfort d'autorités qui peut nous éblouir, sur la solidité des bases, non certes épistémologiques, mais psychologiques, du dernier chapitre, «La mort escamotée», de la Némésis médicale. En effet, l'homme a-t-il jamais cru à sa propre mort, l'a-t-il jamais acceptée? «Nous vivons comme si la mort, que nous reconnaissons en tant que destination absolue et irrévocable, dans notre perspective personnelle, était si loin que pratiquement elle n'arriverait jamais» (p. 153). Il faut donc faire une distinction entre la mort générique, collective, impersonnelle, qui est là devant nous comme un horizon inéluctable, et la mort spécifique, individuelle qui n'arrive pour ainsi dire qu'aux autres.

D'ailleurs, de tout temps, par des moyens divers, l'homme a tenté de vaincre la mortalité de son corps: biologiquement par la procréation; religieusement, par la promesse d'une autre vie, de la «résurrection de la chair»; socialement et culturellement, par la création d'institutions et d'oeuvres qui vont lui survivre. L'auteur cite un texte remarquable de Kant, qu'on ne pourra guère suspecter d'être un escamoteur moderne de la mort, où il affirme que le «désir le plus ardent de l'homme est longévité et santé». Même le malade chronique, alité pendant des années, «s'il fait signe à la mort comme à un libérateur, il lui demandera toujours un petit délai et trouvera toujours un prétexte pour différer son décret péremptoire». L'antagonisme entre la conception collective et individuelle de la mort est on ne peut plus frappante dans ces lignes. Nous pouvons ajouter que si nous avons perdu aujourd'hui l'ars moriendi, c'est que nous ne connaissons plus cette méthode de l'intention paradoxale, comme l'appelle Frankl, qui consiste à «regarder l'angoisse et la contrainte en face». Les danses macabres étaient la façon dont les faibles apprivoisaient la mort. Les forts, comme Montaigne, n'en avaient pas besoin.

3. Libération de l'auto-observation. Il faut empêcher le malade de s'«ausculter» obsessionnellement. «Car l'auto-observation hypocondriaque abaisse le seuil des sensations introceptives et fait parvenir à la conscience les impulsions qui président au déroulement des fonctions du corps. Mais, par là, la sensation du corps fait perdre l'immédiateté qui caractérise les gens sains: ils ne font pas attention à leur corps, on dirait qu'ils n'en ont pas.» (p. 251)

4. Le silence «guérisseur»: cesser de parler de ses propres maladies et de celles des autres. Ici, nous trouvons encore, mais du côté du patient cette fois, la force pathogène de la parole. La manie que nous avons aujourd'hui des débats, des discussions, l'estime dans laquelle on tient généralement le discours «libérateur» de la psychanalyse, nous font accroire qu'un problème énoncé verbalement est déjà à moitié résolu.

Le Dr Schipkowensky s'appuie notamment sur les travaux de Pavlov pour souligner l'«effet de réel» du réflexe de la parole. Se plaindre souvent, parler de son mal, c'est le faire accréditer par son corps. «La parole est un réflexe plus intense que nul autre; du point de vue quantitatif et qualitatif, il ne se laisse pas comparer en aucune manière aux réflexes conditionnés des animaux. Pendant toute la vie de l'adulte, la parole ne cesse d'être reliée aux réflexes intérieurs et extérieurs qui atteignent le cerveau; la parole les signale, en tient lieu, c'est pourquoi elle est en mesure de provoquer toutes les activités et toutes les réactions de l'organisme qui ont été causées initialement par le réflexe.» (Pavlov, cité, p. 256)

Ici se vérifie encore la sagesse profonde du proverbe: «La parole est d'argent, mais le silence est d'or. Si nous étions moins bavards, la psychanalyse ne pourrait peut-être pas se faire monnayer – avec de l'argent – l'or de notre silence.


Note
1. Nikola S. Schipkowensky, latrogenie oder befrelende Psychotherapie, Hirzel Verlag, Leipzig, 1965.

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