Synchrotron


Qu’est-ce qu’un synchrotron et à quoi sert-il ?

Le terme de synchrotron désigne usuellement un système d’accélérateurs utilisés non pas pour l’étude fondamentale des constituants élémentaires de la matière mais pour la production d’un rayonnement électromagnétique particulier appelé rayonnement synchrotron.

Accélérateurs et synchrotrons

Les accélérateurs sont les installations de base de la physique des particules.

Ils servent à accélérer à des vitesses proches de la vitesse de la lumière, des particules élémentaire – électrons, positons, protons, ions – et à les projeter contre des cibles fixes ou elles-mêmes en mouvement à grande vitesse. A la suite des chocs ainsi produits, ces particules donnent naissance à d’autres constituants élémentaires ou composés, ce qui permet l’étude des briques élémentaires de la matière.

On distingue généralement deux types d’accélérateurs, les accélérateurs linéaires ou "Linacs" et les accélérateurs circulaires "cyclotrons" et "synchrotrons".

Le domaine préférentiel d’utilisation des accélérateurs linéaires ou circulaires est ainsi celui de la physique fondamentale. L’un des accélérateurs les plus connus est celui du grand anneau LEP du CERN.

Le terme synchrotron désigne aujourd’hui un ensemble d’accélérateurs d’une catégorie particulière, dont la vocation est la production de rayonnement électromagnétique.

En 1944, deux physiciens soviétiques constatent dans un accélérateur de particules la présence d’un rayonnement électromagnétique dans certaines conditions. La même observation est faite en 1947 aux États-Unis par des chercheurs de General Electric.

Ce rayonnement est considéré dans un premier temps comme parasite, puisqu’il traduit une perte d’énergie des particules alors que précisément, c’est un accroissement de leur énergie que l’on recherche classiquement en les accélérant. Ce phénomène est bientôt constaté par tous les utilisateurs d’accélérateurs, qui cherchent à le minimiser et s’en protéger.

Mais rapidement, il apparaît que le rayonnement électromagnétique produit a des qualités exceptionnelles d’un grand intérêt pour l’analyse non destructive des matériaux. Par convention, on appelle rayonnement synchrotron, le rayonnement électromagnétique émis dans un système spécialisé d’accélérateurs.

Le temps des accélérateurs dédiés à la production de rayonnement synchrotron débute dès les années soixante-dix.

Au vrai, les synchrotrons sont des équipements de grande taille en forme d’anneau. (...)

Au centre, se trouve un accélérateur linéaire qui permet de communiquer aux électrons une vitesse initiale très élevée, avant qu’ils soient injectés dans un accélérateur circulaire où leur énergie s’accroît tour après tour lors de leur passage dans les aimants disposés tout autour de l’anneau.

Une fois le niveau d’énergie souhaité atteint, ces particules sont envoyées dans un anneau de stockage, comparable à un "vélodrome à électrons", où elles serviront à la production de rayonnements électromagnétiques (...).

A titre d’illustration de la technicité des synchrotrons, les électrons tournent dans l’anneau de stockage à une vitesse proche de celle de la lumière, ce qui les conduit à faire près de 350 000 tours par seconde.

Dans les synchrotrons de première et deuxième génération, le rayonnement est produit tangentiellement à la trajectoire circulaire des électrons située dans le plan horizontal, lors de leur passage dans les aimants de courbure qui incurvent la trajectoire des particules.

Les synchrotrons de troisième génération produisent, quant à eux, le rayonnement synchrotron non seulement dans les aimants de courbure mais également dans des dispositifs d’insertion spéciaux implantés dans les parties rectilignes de l’anneau.

Dans les deux cas, c’est en subissant un changement de trajectoire que les électrons perdent de l’énergie sous forme d’émission d’ondes électromagnétiques.

Les infrastructures de base et les équipements optionnels d’un synchrotron

Pour la bonne compréhension des enjeux techniques et financiers des synchrotrons, il est indispensable de distinguer ses équipements de base de ses équipements optionnels que sont les dispositifs d’insertion et les lignes de lumière (...).

Les équipements de base d’un synchrotron sont l’accélérateur linéaire, le synchrotron proprement dit et l’anneau de stockage. C’est sur ce dernier qu’est produit le rayonnement synchrotron.

Dans la pratique, un anneau de stockage comprend des sections courbes et des sections droites.

Les sections courbes comprennent les aimants de courbure qui constituent le dispositif le plus ancien et le moins performant de production du rayonnement synchrotron.

C’est au contraire sur les sections droites que sont installés les "wigglers", des dispositifs de performances intermédiaires et les onduleurs, d’une technologie plus récente et encore évolutive, qui produisent les faisceaux les plus intenses et les plus fins. L’équipement des sections droites en dispositifs d’insertion qui permettront de produire le rayonnement synchrotron, peut se faire progressivement.

Les caractéristiques de l’anneau de stockage constituent un paramètre très important de la décision d’investissement.

L’énergie de l’anneau détermine les méthodes qui pourront être mises en œuvre et la facilité de conduite de la machine au regard de la stabilité des faisceaux. La taille de l’anneau conditionne le nombre de sections droites et donc le nombre de lignes de lumière que l’on peut installer.

Mais une distinction capitale doit être faite entre l’anneau de stockage et l’ensemble constitué par les dispositifs optionnels d’insertion et les lignes de lumière.

L’anneau de stockage et ses appareillages situés en amont représentent des équipements de base souvent financés par un organisme public de recherche.

Les équipements optionnels correspondent à différents types d’utilisation et d’utilisateurs et peuvent faire l’objet d’une construction progressive et d’un financement distinct de celui des installations de base proprement dites.

Ainsi, aux États-Unis, en Allemagne, en Suisse et en France également, la construction et l’équipement de lignes de lumière ont pu être financés par des entreprises et des groupes d’entreprises spécialement intéressées par un accès permanent au synchrotron mais aussi par des universités, des collectivités locales, voire des pays étrangers.

Le rayonnement synchrotron

En tant que source de rayonnements électromagnétiques, un synchrotron permet de produire un rayonnement variant de façon continue sur une large plage de longueurs d’onde. Grâce aux synchrotrons, il est devenu possible de produire des UV et des rayons X lointains.

Par ailleurs, le rayonnement synchrotron peut être produit avec une forte intensité dans une bande passante en énergie ou une longueur d’onde très précise.

La brillance du rayonnement synchrotron est plus élevée d’un facteur 1012 que celle d’une lampe à rayons X. Le faisceau par ailleurs peut être extrêmement bien focalisé dans toute la gamme d’énergie des photons.

Autre particularité essentielle, le rayonnement synchrotron est polarisé, sa polarisation circulaire ou linéaire étant ajustable. Ceci permet, par exemple, l’étude des propriétés de surface des matériaux et des interfaces et le développement rapide de la micro spectroscopie magnétique.

En outre, le rayonnement synchrotron est intrinsèquement émis en régime pulsé très rapide. Cette caractéristique permet d’étudier la dynamique de différents phénomènes fugaces, comme des réactions chimiques ou des déformations de molécules.

Cet ensemble de propriétés remarquables ouvre au rayonnement synchrotron des applications en nombre croissant, en physique, en chimie, en sciences de l’environnement, en médecine et en biologie.

Une "coopérative" de production d’ondes électromagnétiques de haute qualité pour des méthodes expérimentales diversifiées

C’est en raison de la qualité de leurs faisceaux d’ondes électromagnétiques que les synchrotrons se sont multipliés afin de satisfaire les demandes d’accès des utilisateurs.

Dès la première génération de synchrotrons, les performances obtenues ont dépassé très largement les sources habituelles comme les tubes à rayons X de première génération et les tubes à anode tournante. Ainsi, la brillance du synchrotron DCI du LURE est 10 000 fois supérieure à celle d’un tube à rayons X de laboratoire.
Ce progrès dans les performances a continué avec la deuxième génération puis avec la troisième génération de synchrotrons dont les faisceaux atteignent une brillance mille milliards de fois supérieure à celle des tubes à anode tournante (voir figure suivante).

Parallèlement à ces gains sur la brillance des faisceaux, des méthodes expérimentales nouvelles ont été mises au point, de sorte que les synchrotrons proposent toute une panoplie de techniques d’étude pour les sciences de la matière et les sciences du vivant (...).

Le synchrotron apparaît bien dès lors comme un équipement de type coopératif à double titre.

En premier lieu, il produit des rayonnements pour toute une série de méthodes expérimentales.

En deuxième lieu, ses installations sont utilisées non seulement par les chercheurs résidents mais aussi par les chercheurs visiteurs qui se succèdent ces installations dans le but d’accéder aux meilleures sources de rayonnement électromagnétique.

source: Les conditions d'implantation d'un nouveau synchrotron et le rôle des très grands équipements dans la recherche publique ou privée, en France ou en Europe: Tome I. Les conditions d'implantation d'un nouveau synchrotron. Rapport de M. Christian Cuvilliez, député et de M. René Trégouët, sénateur (17 mars 2000) [sur le site de l'Assemblée nationale française]. Assemblée nationale: n° 2258 (11ème législature) - Sénat: n° 273 (1999-2000).

Enjeux


En tant que machine de service pour de nombreux laboratoires répartis sur tout le territoire, un très grand instrument d’une nature particulière

Les synchrotrons ont connu en quelques dizaines d’années une évolution considérable de leur place dans la recherche scientifique. Cette évolution, observée dans tous les pays, en fait des grands instruments de service à la communauté scientifique dans son ensemble et donc des très grands équipements "pas comme les autres".

On peut schématiser cette évolution en trois phases pour la commodité de l’exposé.

Conçus et gérés par des physiciens des particules et des spécialistes des accélérateurs, les synchrotrons ont d’abord fonctionné en vase clos, pendant toute la première phase qui a correspondu à la mise au point de la première génération d’anneaux de stockage.

Mais les synchrotrons ont bientôt, dans une deuxième phase, constitué une base de travail pour des physiciens, des chimistes et des biologistes qui ont développé, sur place et en liaison avec les spécialistes des machines, des méthodes expérimentales pour tirer parti des qualités exceptionnelles des rayonnements électromagnétiques produits par les synchrotrons de première puis de deuxième génération.

La troisième phase correspond à l’ouverture très rapide des lignes de lumière - une fois celles-ci mises au point - à des chercheurs appartenant à des laboratoires extérieurs, ce qui a fait en définitive des synchrotrons des machines de service desservant une communauté très large d’utilisateurs, au plan régional, national et international.

Par nature, un synchrotron est donc un grand instrument particulier, partagé par des utilisateurs de toute discipline et non pas fermé sur une communauté de spécialistes, accessible à tous grâce à une assistance technique et non pas inaccessible de par sa complexité, et, enfin, jouant un rôle formateur pour des chercheurs même au niveau de mémoires de recherche de maîtrise ou de DEA et non pas réservé à des thésards, à des post-docs et à des chercheurs chevronnés.

Mais, en France, des contraintes de technique budgétaire mal maîtrisées ont fait ranger les synchrotrons dans la catégorie des très grands équipements. Ceci a été d’autant plus inévitable qu’aucun découplage n’a été opéré à quelque niveau que ce soit, ministère de la recherche, grands organismes et laboratoires, entre les équipements de base – injecteur, anneau de stockage – et les équipements optionnels – dispositifs d’insertion et instrumentation des lignes de lumière –, ce qui aurait dû être fait compte tenu des finalités très différentes de ceux-ci.

Pour autant, les synchrotrons méritent bien d’être considérés comme des grands instruments "pas comme les autres".

source: Les conditions d'implantation d'un nouveau synchrotron et le rôle des très grands équipements dans la recherche publique ou privée, en France ou en Europe: Tome I. Les conditions d'implantation d'un nouveau synchrotron. Rapport de M. Christian Cuvilliez, député et de M. René Trégouët, sénateur (17 mars 2000) [sur le site de l'Assemblée nationale française]. Assemblée nationale: n° 2258 (11ème législature) - Sénat: n° 273 (1999-2000).

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