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Voici  un article de Jacques Dufresne, éditeur de cette encyclopédie, paru dans le journal La Presse de Montréal, le 30 mai 1992, quelques semaines avant l'ouverture officielle du Biodôme de Montréal, le 20 juin 1992.  L'article évoque l'enracinement du Biodôme dans l'histoire de Montréal et du Québec.

Le Biodôme de Montréal ouvrira ses portes le 19 juin. Cet événement marquera le 350e anniversaire de Montréal comme l'ouverture du Jardin botanique, sur le même site, avait marqué le 300e anniversaire . L'inauguration de cette Maison de la vie coïncide en outre avec le Sommet de Rio.

Une authentique métamorphose des rapports de l'homme avec la vie s'opère actuellement. La vie, hier encore envahissante et menaçante, est désormais une réalité fragile qui attend tout de la sollicitude de l'homme. Même la jungle qui, en quelques années, recouvrait les établissements humains abandonnés, a besoin de nos soins attentifs. Gaia, la terre-mère, est notre enfant.

Un événement, devenu banal à force d'avoir été marquant, illustre ce renversement, ce passage de l'homme à la totale responsabilité à l'égard de la vie : la vision de la terre depuis l'espace, la découverte de cette sphère colorée par la vie au milieu de l'universelle grisaille de la matière inanimée. C'est la première vision du monde. Auparavant il n'y avait eu que des représentations du monde où l'imagination avait plus de part que la perception.

Au macrocosme, au grand univers, tes hommes ont souvent éprouvé le besoin de faire correspondre un microcosme, un petit univers. Leur être intime, leurs temples, leurs maisons ont ainsi abrité les principes, les symboles, les présences qu'ils apercevaient dans le monde.

Le Biodôme est un microcosme qui correspond à la première vision de la terre: la sphère colorée vue de l'espèce. On n'y a pas seulement rassemblé des écosystèmes, on y a illustré un nouveau rapport avec la vie.

L'art montre la fleur sauvage

Ce rapport est ambigu, nous le savons tous par expérience. On retrouve cette ambiguïté dans le Biodôme.Même s'il est perméable a la lumière et s'il a la forme d'une coquille, ce dernier est d'abord une masse de béton et, en tant que tel, il symbolise la domination brutale de l'homme sur la nature.

Toutes les craintes qu'a pu susciter le projet découlent de cette ambiguïté: le Biodôme est-il un temple de la vie ou la vie n'est-elle qu'un prétexte pour mettre la technique en relief? Si, comme on n'en saurait douter, le but des promoteurs du Biodôme était de susciter l'amour de la vie et de la terre vivante, pourquoi ont-ils enfermé cette vie dans un espace artificiel?

Ne méprisons pas l'art, ni l'artifice. Ils résument l'effort civilisateur de l'homme. Les jardins chinois, arabes, japonais ou français sont des petits univers totalement recréés par l'homme, et donc artificiels. Contrairement à ce qu'on pense spontanément, l'homme — l'homme qui a fait l'histoire du moins— est initialement coupé du réel et de la vie. Il lui faut pour s'en rapprocher la médiation de l'art. «Une oeuvre d'art devrait toujours nous apprendre que nous n'avions pas vu ce que nous voyons», disait Valéry. On ne s'intéresse pas d'emblée aux minuscules fleurs sauvages. On a d'abord besoin d'être ébloui par les glorieux artifices d'un jardin ou d'un bouquet.

La réconciliation de l'homme avec les animaux aura été une entreprise beaucoup plus difficile, qui commence à peine dans certaines régions du monde. Jusqu'à la fin du XIXe siècle, les animaux sauvages n'étaient montrés aux gens des villes que dans des cages étroites. Les parcs zoologiques, où l'on a pu voir les animaux dans une relative liberté, firent peu à peu leur apparition au cours du XXe siècle.

À cet égard, le Biodôme marque un progrès par rapport à tout ce qui a précédé. Non seulement améliore-t-il le sort des plantes, des animaux et des poissons considérés séparément, mais encore —et c'est cela qui constitue sa grande originalité— il réunit 'l'aquarium, le parc zoologique, le jardin botanique dont l'équivalent dans la nature forme un ensemble intégré appelé écosystème. I1 permet en outre d'embrasser dans un même regard des écosystèmes comme la forêt tropicale et la forêt boréale.

Un tel ensemble n'est-il pas la plus belle porte que les hommes peuvent ouvrir sur la nature?

La technique étant ainsi mise au service de la vie, l'ambiguïté du Biodôme s'estompe. Elle s'estompe concrètement: les machines sont littéralement enterrées. Elles sont à leur vraie place, cachée sous la vie qu'elles sont destinées à servir. Compte tenu du fait que le Biodôme sera animé par ceux qui l'ont conçu dans l'amour et le respect de la vie, on a toutes les raisons de présumer qu'il ne deviendra pas une simple attraction touristique où la technique aura, comme à Disney World, plus d'importance que la nature.

Une science pour tous

Le contexte dans lequel le Biodôme est apparu est également rassurant. Il a surgi près du jardin botanique de Montréal, après l'ouverture, sur le même site, d'un Jardin chinois et d'un Jardin japonais; et entre celui qui a réalisé le Jardin botanique, Marie-Victorin et celui qui a voulu le Biodôme après avoir doté Montréal de ses deux jardins orientaux, Pierre Bourque, il y a continuité ; il s'agit d'un même dessein, d'une oeuvre unique. D'une oeuvre qui a le mérite de bien refléter les rapports de l'homme d'ici avec la nature et, faut-il s'en étonner, de correspondre à la première sphère d'excellence qui soit apparue dans la science québécoise. (Ci-contre, photo de Pierre Bourque, l'ingénieur qui a désiré, pensé et construit le Biodôme , avant de devenir maire de Montréal. Il pousuit son oeuvre dans le cadre de Constellation Monde.

Jardin ouvert au grand public (jardin d'abord et non musée), le Biodôme devra conserver sa vocation scientifique. Sa fécondité tiendra d'abord à la symbiose sous un même toit entre un savoir immédiatement accessible à tous et une recherche savante tournée vers un objet unique en son genre.

Le jardin botanique de Montréal a été pensé et réalisé au cours de la décennie 1930, en dépit de la grande récession dont le monde industrialisé a mis tant de temps à sortir. D'où vient que les Québécois se soient ainsi donné un jardin à un moment où même l'avenir de l'Université de Montréal ne paraissait pas assuré? Les habitants francophones de Montréal, ouvriers en très grande majorité, étaient pour la plupart encore très proches de leurs racines paysannes, auxquelles ils étaient restés attachés, peut-être avant tout parce que leurs parents y étaient libres, le régime de la grande propriété avec main d'oeuvre asservie n'ayant jamais réussi à s'implanter au Québec.

Offrir un jardin à ces ouvriers, durement atteints par la dépression, c'était les rappeler à la liberté, en même temps qu'à leur identité française, tout en leur donnant l'espoir de jours meilleurs, et peut-être... je ne sais quel humble avant-goût du paradis. Jardin en. grec se dit paradeisos. Le jardin le plus modeste conserve dans l'imaginaire des gens une parenté avec ces jardins babyloniens suspendus qu'on appelait Liens entre le ciel et la terre.

Le Québec a également reçu l'apport bienfaisant de l'Angleterre, en ce qui a trait tout particulièrement aux jardins de même qu'aux liens avec les plantes et les animaux. Le Jardin botanique porte aussi la marque de cet apport. En 1992, les temps sont durs de nouveau, particulièrement dans l'Est de Montréal où est situé le Biodôme. Encore une fois les Québécois réagissent à la morosité en posant un geste justifié par sa signification plus que par une rentabilité immédiate qui ne tardera d'ailleurs pas à se concrétiser si tout va bien.

 

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